Après avoir saisi de toute urgence la Cour pénale internationale, les familles des leaders du Front national pour la défense de la constitution portent plainte contre Mamadi Doumbouya auprès de la justice française, pour « disparition forcée ». L’annonce du procureur général près la Cour d’appel de Conakry d’ouvrir des enquêtes pour retrouver ravisseurs et otages n’a pas l’air de les rassurer. 

Arrêtés nuitamment le 9 juillet, à Commandanyah (commune de Dixinn), voilà deux semaines que les familles d’Oumar Sylla alias Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah sont sans nouvelles de leurs proches. Devant le mutisme des autorités, les épouses respectives des deux activistes, Hawadjan Doukouré et Assiatou Bah, ont saisi le tribunal de Paris au sujet de la disparition de leurs maris. Elles ont adressé une plainte de 16 pages à la procureure de la République près dudit tribunal. Plainte déposée lundi 22 juillet par les avocats français du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), William Bourdon, Bertrand Repolt et Vincent Brengarth.

Plainte contre Doumbouya

« Les plaignants ont l’honneur de déposer plainte entre vos mains du chef de disparition forcée contre le colonel Mamadi Doumbouya, ainsi que contre toute autre personne ayant participé à la commission des faits sus décrits en qualité d’auteur ou complice et que l’enquête permettra d’identifier, sans préjudice de toute autre infraction et ou qualification que l’enquête permettra d’établir ou déterminer », y lit-on.

La disparition du coordinateur national, ainsi que du responsable des antennes et de la mobilisation du FNDC est survenue alors que leur mouvement projetait d’organiser des manifestations de protestation contre la fermeture des médias privés. Cela suffit, aux yeux des avocats, à justifier le mobile de l’enlèvement « dans des circonstances particulièrement suspectes » de leurs clients. « Au moment de la présente plainte, personne ne sait où ils se trouvent. Leurs familles vivent les pires angoisses et envisagent le pire », ajoute la plainte.

Celle-ci a été déposée après que William Bourdon et Vincent Brengarth ont saisi en urgence, le 18 juillet, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale, Karim Kahn.

La veille, la justice guinéenne s’était exprimée sur l’enlèvement de Foniké Menguè et Billo Bah, à travers un communiqué du procureur général près la Cour d’appel de Conakry. « Aucun établissement pénitentiaire du pays ne détient ces personnes faisant objet d’enlèvement », déclarait Fallou Doumbouya, avant de promettre des enquêtes pour faire arrêter les ravisseurs et libérer les otages. Une sortie qui ne rassure pas les proches des disparus.

Ultime recours

« Il est peu dire que la lecture de ce communiqué a glacé le sang de ceux que nous défendons depuis maintenant plusieurs années, car il vient renforcer les inquiétudes très légitimes des familles quant à une possible volonté des autorités de chercher à échapper à toute responsabilité dans ce qui a pu arriver », reprend la plainte de Hawadjan Doukouré et Assiatou Bah. « Cette situation est gravissime car cela signifie qu’il est pour l’heure impossible d’avoir des nouvelles des personnes arrêtées », poursuivent les avocats pour justifier la saisine de la justice française, comme ultime recours.

Les avocats rappellent la compétence universelle des juridictions françaises, ainsi que l’impossibilité pour Mamadi Doumbouya d’invoquer une quelconque immunité, celle-ci ne bénéficiant qu’à des présidents élus et non issus de coup d’État. Aux termes de l’article 221-12 du code pénal français, la disparition forcée est punie de la réclusion criminelle à perpétuité, précisent-ils.

Dans un communiqué daté du 23 juillet, les avocats William Bourdon, Bertrand Repolt et Vincent Brengarth ont élargi leur plainte à d’autres responsables de la transition, soupçonnés d’avoir un lien avec la disparition d’Oumar Sylla et de Mamadou Billo Bah. Il s’agit des généraux Aboubacar Sidiki Camara dit Idi Amin, ministre de la Défense nationale et Balla Samoura, Haut commandant de la gendarmerie nationale.

Diawo Labboyah Barry