Notre continent d’ébène est celui où on geint pour peu. Pour être celui des complaintes, il l’est. Il gémit pour avoir fait l’objet, pendant des siècles, de la traite de ses fils et filles au profit de l’Europe, les Amériques, de l’Asie. Le souvenir des affres de la colonisation, plus récente, lui taraude l’âme et pollue son existence. A l’endroit des autres continents, en particulier l’Europe et l’Amérique, construit une relation manichéenne marquée par une prédominance du mal sur le bien de sorte que l’écosystème universel économique, politique et culturel lui semble perpétuellement déséquilibré. Il postule donc, à son corps défendant, un nouvel ordre plus juste, à son avantage. En vain, car les rapports de force à la base de la construction de cet écosystème ne lui sont favorables. Loin s’en faut. Lors du partage du butin de la seconde guerre mondiale, à la Conférence de Yalta, Staline répond sèchement aux Indiens qui exigeaient y être conviés : « Combien de batailles aligne l’Inde ? » Que le monde est cruel !

Le Sénégalais Mahtar MBow, alors, Directeur exécutif de l’UNESCO, a été le premier fonctionnaire international africain de ce nouveau monde, à défendre l’idée d’un nouvel ordre de l’information. Il a soulevé des cris d’orfraies du monde occidental. Cela a mis les Américains dans tous leurs états au point qu’ils ont sevré l’Organisation onusienne de leurs précieux subsides pendant des années. Et depuis, personne n’a plus évoqué ce sacrilège ! Sur les pas du Sénégalais, d’autres Africains revendiquent à cor et à cri, depuis des décennies, plus de justice, d’équilibre au sein de l’Organisation des Nations Unies. C’est essentiellement du côté du Conseil de sécurité que volent le plus d’éclats de bois vert et de griefs. On en subodore les raisons.

Durant un mois, on va assister, à Paris, à une illustration grandeur nature de déséquilibre qui marque le monde. Déjà lors de la démonstration féérique, inédite, de l’ouverture des 32ème olympiades des temps modernes, sur la Seine, les délégations nationales qui se sont succédé sont d’inégale importance. Il ne faut pas s’y méprendre, la moisson de médailles olympiques ne contredira pas ces réalités. A l’époque où les Soviets et les Yankees étaient les seuls maîtres de notre planète, ils s’adjugeaient pratiquement toutes les médailles lors des jeux. Cela répond à une logique. Ce sont, bien sûr, les meilleurs athlètes qui remportent les médailles. Etre meilleur a un coût trop élevé, hors de portée de la poche aplatie des Républiques bananières appauvries par leurs enfants gâteux et leurs partenaires qui les spolient de leurs maigres ressources. A la faim des jeux, certains retourneront au pays, la besace lourde de centaines de médailles : or, argent, bronze ; les autres avec un léger « foré sac » contenant moins de 5 médailles en bronze.

Pour d’autres raisons encore, les JO n’auront été qu’une longue villégiature en Gaule. La philosophie de Pierre de Coubertin est-elle encore celle des jeux ? L’essentiel est de compétir. Demandez à notre ministre des Sports, Kéamou Bogola Haba, si ce n’est pas finalement une affaire familiale !

Abraham Kayoko Doré