De l’extorsion d’aveux

S’agissant de l’extorsion d’aveux, les avocats accusent le colonel Gabriel Tamba Diawara, l’ange qui pilote l’enquête à la DCIJ de Matam, de s’ériger en véritable chef d’orchestre. Pour monter des scénarii et extorquer des aveux à Algassimou Kéïta entre le 14 et le 15 février. Le colonel Gabriel lui demande d’accuser son codétenu, Amadou Sow, du meurtre de notre confrère, El Hadj Mohamed Diallo. Selon Me Paul Yomba Kourouma, le colonel Gabriel Tamba Diawara a soustrait trois des dix-sept détenus, les a “ conduits à la Direction centrale des investigations judiciaires de Matam, les a conditionnés, leur a appris à dénoncer, les a entraînés au montage élaboré avec ses pairs…. ” Le colonel a demandé à Algassimou Kéïta de dénoncer Amadou Sow comme étant le meurtrier du journaliste. Il lui a dit ceci : Tu es Kéïta. Je suis Malinké, tu es Malinké, alors qu’il n’est pas malinké, nous n’avons même pas besoin de toi, sens toi libre. D’ailleurs, le Général Ibrahima Baldé est sur le point de t’incorporer, ta famille et toi, vous serez sécurisés, des voyages, si vous le voulez, vous seront accordés au cas où vous ne voudriez pas vivre en Guinée. Mais en raison du fait que tu seras gendarme-militaire, ta sécurité et celle de ta famille seront assurées. ” Il lui a filé 50 000 francs glissants et l’a fait entrer dans la cellule. Il le reprend vers minuit pour le mettre en communication avec le Général Ibrahima Baldé : “ Mon Général, le jeune est avec moi. -Passez-le-moi !

Et le Général, aux dires d’Algassimou Kéïta, a confirmé les dires du colonel Gabriel. Voilà, pourquoi ce masque, ce chapeau, ce collier, a été porté à Amadou Sow qui, ne connaît cette affaire ni de près ni de loin. Elle procède d’un montage. Toutes les personnes arrêtées l’ont été en violation de tous les principes de droit, de la vérité (…) ”

Baba Alimou Barry, ex-bagnard de l’hôtel Cinq étoiles de Coronthie dans l’affaire du 19 juillet 2011, est accusé d’avoir appuyé l’ange Gabriel Tamba pour extorquer les aveux à Algassimou Kéïta. Voici à peu de choses près le témoignage d’Algassimou Kéïta, obtenu par une source anonyme : “ C’est le dimanche que Gabriel est venu dans ma cellule, m’offrir 50 000 FG, pour mon petit-déjeuner. Je l’ai remercié. Il m’a demandé de venir lui dire qui a commis l’assassinat. J’ai dit : je ne peux rien dire, parce que je ne sais pas. Il me dit : “ C’est sûr que tu le sais. ” Je lui ai répondu : “ Non, je ne sais pas. ” Il a rétorqué : “ Tu le diras ! ” On m’a ramené dans le violon. Le lendemain lundi, Gabriel est revenu et il m’a appelé. Quand on m’a fait sortir de la cellule, il m’a dit que je dois dire qui a commis l’assassinat. Je lui ai dit que je ne sais pas et ce que je ne sais pas, je ne sais pas. Il m’a demandé de dire que mon ami Sow détenait une arme. Je lui ai dit que je ne dirai pas cela. Il m’a ramené encore dans le violon. Après cela, Baba Alimou est venu. Il m’a dit de dire que c’est Sow qui possédait l’arme. On m’a fait sortir encore. Des gendarmes m’ont momentanément retenu. Eux et Gabriel me parlaient n’importe comment. Certains me disaient de dire la vérité. Gabriel m’a dit d’ailleurs qu’il va appeler le Général Baldé. Au bout du fil, il a dit à son interlocuteur: “ Général Baldé, je vous passe le témoin qui a dit que c’est Sow qui détenait l’arme. ” J’ai dit à la voix rauque qui était au téléphone : Oui, mon Général, je m’appelle Algassimou Kéïta. Mais, je n’entendais pas ce que le soi-disant Général Baldé disait.

Gabriel a mis la pression sur moi pour que je dise que c’est Sow qui possédait une arme. Il m’a dit si je l’avoue, il me recrutera dans la gendarmerie, il assurera ma sécurité et celle de ma famille. Mais, il dit que je dois dénoncer Sow. Finalement, quand on m’a trop effrayé, j’ai dit : Oui, Sow conservait une arme. (…) Gabriel m’a alors amené ailleurs. On m’a auditionné deux fois alors que mes codétenus n’ont été auditionnés qu’une seule fois. Gabriel m’a forcé pour que j’accuse Sow, il m’a obligé à dire que c’est Sow qui conservait une arme. Or, je n’ai pas vu une arme avec Sow. Je lui ai dit : normalement, si vous me faites dire ces choses, il faut que ce soit en présence de mon avocat. ”

Un complot ?

L’avocat n’est pas allé du dos de la cuillère pour y voir un complot contre l’UFDG et son leader. Derrière un tel acte, se convainc l’avocat, ne peut exister que la main du Prince. Il dit aujourd’hui comprendre “pourquoi l’enquête n’a concerné que l’UFDG, que les interpellations, les arrestations n’ont concerné que l’UFDG.” Me Kourouma comprendrait également aujourd’hui pourquoi il a été refusé à l’UFDG la couverture par des agents de sécu la réunion du Bureau exécutif, en dépit “des menaces persistantes proférées par M. Bah Oury, en dépit des correspondances adressées tant aux autorités communales qu’à la gendarmerie “. Il assure que ” tout cela, pour permettre la perpétration de ce qui est arrivé. Nous sommes fondés à le dire maintenant, nous sommes fondés à l’attester, parce que les faits vécus portent la marque du complot, de la conspiration “. Selon lui, les avocats condamnent et stigmatisent un tel comportement. Toute chose qui vise à briser ” cette manipulation qui a eu lieu et qui va peut-être fonder la décision à intervenir lorsque nous comparaîtrons devant les juridictions “. Même que c’est pour que les journaleux sachent “qu’à l’origine, des agents de l’Etat ont été impliqués, des ressources de l’Etat ont été déployées pour charger l’UFDG, pour lui faire porter le chapeau du meurtre de leur confrère. “

De la violation du droit à la défense

Les avocats de l’UFDG, Me Saliflou Béavogui, Me Paul Yomba Kourouma, Me Aboubacar Sylla et Me Alsény Aïssata Diallo accusent le patron de la DCIJ de Matam, colonel Gabriel Tamba Diawara, de les avoir empêchés d’assister leurs clients lorsqu’il les a auditionnés. Selon eux, il a violé les règles les plus élémentaires de l’enquête. Le colonel aurait refusé catégoriquement à Me Alsény Aïssata Diallo de prendre part à l’interrogatoire. ” Me Alsény en quittant, a instruit ses clients de ne rien dire. Mais dans ses ruses, ses menaces, avec le bâton et la carotte, le faire-valoir du pouvoir d’où d’ailleurs la raison du retrait du dossier au colonel Balla Samoura parce qu’à ce niveau, rien ne permettait d’appréhender la piste, le colonel Gabriel a retiré les trois personnes et a demandé à Algassimou Kéïta de dénoncer Amadou Sow comme étant le meurtrier du journaliste. ” L’explication de l’avocat de l’UFDG n’a guère surpris ceux qui ont retenu la déclaration du Prési Alpha Grimpeur en 2010. Il avait dit à qui voulait l’entendre qu’il prenait la Guinée là où Sékou Touré l’avait laissée. L’ange Gabriel Tamba Diawara est apparemment bien parti. Pour un Etat de non droit, qui dit mieux?

Mamadou Siré Diallo