Les dirigeants africains ont tout simplement pris le drame politique, économique et social qui a frappé le Zimbabwe sous le règne de M. Robert Mugabe, comme un morceau choisi d’un roman à succès venu de loin. Puisque M. Bob avait adopté le langage des communistes, puisqu’il s’était battu comme un beau diable pour libérer son pays du joug colonial britannique, puisqu’il avait rendu les terres à leurs propriétaires légitimes, il pensait avoir acquis droit de vie et de mort sur tout le peuple qu’il prétend avoir libéré.
Toutes les têtes ont été placées sous le même bonnet. Les plus grosses ont été passées hors du pays. En premier lieu, celles des autres nationalistes qui avaient combattu les Britanniques en même temps que M. Mugabe. Joshua N’Komo n’a pas résisté aux menaces. Heureusement qu’il y avait quelques bonnes âmes en Afrique de l’Ouest pour l’accueillir. Sinon, Dieu sait où il allait rendre l’âme. Dans l’indignité.
    Ironie du sort, c’est cette même indignité que le Président Alpha Condé voulait éviter à Robert Mugabe. C’est sain, ce que Alassane Ouattara, le Président ivoirien, avait préconisé. Il faut respecter le vieil homme, le vieux nationaliste. Mais, il faut aussi reconnaître que le monde change. Que le monde a changé. Les dynasties ne marchent plus pour tout le monde. Le plus petit margoulin d’hier veut s’ériger en potentat aujourd’hui. Voler les deniers publics pour gaver sa famille et viser le pouvoir éternel. Mugabe avait oublié le poids de l’âge, les méfaits de la corruption, les magouilles de l’entourage, les manigances de l’épouse. Il a fallu « un non coup d’Etat » pour redresser la barre, pousser le dictateur démodé hors du fauteuil présidentiel et assurer le passage en douceur à l’étape supérieure de l’histoire du Zimbabwe. Sans ce coup d’Etat qui a fini par dire son nom, Grace Mugabe aurait remplacé son gaga de mari. En narguant le vaillant peuple du Zimbabwe.
    Que le coup d’Etat de Harare ouvre les yeux de nos dirigeants, aveuglés qu’ils sont par le pouvoir et l’argent, le pouvoir de l’argent, les intrigues des familles politiques et biologiques pour réévaluer la conception qu’ils ont de la République, de l’Etat, de la Nation. Afin d’obtenir pour eux-mêmes ce qu’ils ont souhaité pour Robert Mugabe : la sortie dans la dignité. Qu’Alpha Condé ne se trompe surtout pas pour insister sur un quelconque «Ouf de soulagement » au Zimbabwe, au motif que Robert Mugabe a démissionné. Le dictateur de Harare n’a pas démissionné. Il a été démissionné. Pour un vieillard de près de cent ans, l’honneur n’y est pas. Loin s’en faut.

Diallo Souleymane