Depuis la nomination du Cas-Sorry Fofana à la primature, les manifestions des opposants, sous quelque forme qu’elles soient, sont interdites sur tout le territoire du bled. Depuis juillet 2018, le goubernement a refusé au moins 20 manifs, invoquant des raisons de sécurité. Le Cas-Sorry a toujours clamé haut et fort qu’il préférait l’ordre à la loi. Tous ceux qui ont voulu défier cette injonction ont subi les foudres des farces de l’ordre. Au moment où le prési Alpha Grimpeur et son clan réfléchissent à des moyens de s’éterniser au pouvoir au-delà du délai constitutionnel, cette situation devient de plus en plus préoccupante. D’autant plus qu’une frange importante des acteurs de la classe politique et de la société civile est décidée à barrer la route à ce qu’ils appellent ‘’un coup d’Etat civil’’. Après une enquête longuement menée, Human Rights Watch tire la sonnette d’alarme : « Dans un contexte de débat politique acharné en Guinée, il est plus important que jamais de protéger le droit de manifester pacifiquement. Interdire les manifestations prive les partis politiques et les autres groupes d’un moyen légitime d’exprimer leur opposition ou leur soutien aux plans et politiques du gouvernement » a déclaré Corinne Dufka, directrice pour l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch.

Cette organisation ne comprend pas que le RPG arc-en-ciel et ses alliés soient autorisés sans problèmes à organiser des meetings de soutien aux réformes constitutionnelles, alors que toute tentative de rassemblement du côté de l’opposition et de la société civile est réprimée. Elle rappelle que « l’interdiction généralisée de toute manifestation ne constitue pas une réponse adaptée au risque de violence lors des manifestations. Il y a peu de chances que cela dissuade les manifestants de descendre dans la rue si Condé évoque un troisième mandat ». Human Rights Watch suggère au goubernement de collaborer avec les partis politiques et les autres groupes afin de mettre en place des critères publics guidant les autorités locales pour déterminer si les manifestations devraient avoir lieu. Ces critères devraient notamment inclure une procédure d’évaluation des risques de sécurité que présente une manifestation planifiée. L’examen judiciaire indépendant de toutes les décisions d’interdiction des manifestations. Corinne Dufka demande au pouvoir de Cona-cris d’agir : «Le gouvernement guinéen devrait agir rapidement pour trouver une façon de respecter le droit de manifestation tout en protégeant la sûreté publique ».

Dans son rapport, l’organisation fait également mention des arrestations des opposants au 3e mandat. C’est notamment le cas à Coyah en mars dernier où des opposants ont été mis aux arrêts pour avoir brandi des pancartes où était mentionné « Non au 3e mandat », en mai à Kindia où le prési Alpha Grimpeur était en déplacement. Le même scénario s’est produit à N’zérékoré où des membres du FNDC dont un rassemblement a été dispersé, se sont affrontés avec les partisans du pouvoir et les flics, faisant, un mort et une quarantaine d’arrestations.

Human Rights Watch recommande à l’Alpahagouvernance entre autres de réaffirmer le droit fondamental de tous à se réunir librement en déclarant publiquement qu’il n’existe pas d’interdiction généralisée de toutes les manifestations et que les éventuelles interdictions, conformément à la loi guinéenne, feront l’objet d’une évaluation au cas par cas par les autorités locales. D’organiser des rencontres entre les autorités locales, les organisateurs de la manifestation et les forces de sécurité pour mettre au point un plan de sécurité réalisable, y compris l’itinéraire parcouru, si les risques que présente une manifestation pour la sécurité sont plus élevés que d’ordinaire. C’est uniquement dans le cas où aucun arrangement de sécurité ne peut être trouvé, et où le danger que des tiers subissent un grave préjudice est élevé, qu’une manifestation pourra être interdite. De veiller à ce que toute personne arrêtée lors d’une manifestation bénéficie d’une procédure régulière et soit rapidement entendue par un tribunal. De rédiger des directives destinées aux procureurs, policiers et gendarmes, conformes au droit relatif aux droits humains, indiquant les cas où les personnes arrêtées lors des manifestations peuvent être inculpées de délits pénaux, et détaillant les types d’inculpations appropriées pour chaque circonstance. De ne pas traiter automatiquement les organisateurs de manifestations comme pénalement responsables des violences et autres crimes qui peuvent être commis lors de ces manifestations, à moins qu’il n’existe des preuves indiquant clairement qu’ils en sont directement responsables. Se garder de tout discours, sur Internet ou dans les médias, qui pourrait provoquer la violence lors des manifestations. Les partis politiques d’opposition et les autres groupes, dont le FNDC, devraient eux aussi s’abstenir de ce genre de discours.

Yacine Diallo