« Nous avons, quant à nous, un premier et indispensable besoin, celui de notre dignité. Or, il n’y a pas de dignité sans liberté, car tout assujettissement, toute contrainte imposée et subie dégrade celui sur qui elle pèse, lui retire une part de sa qualité d’Homme et en fait arbitrairement un être inférieur. Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage. (…) La Liberté, c’est le privilège de tout homme, le droit naturel de toute société ou de tout peuple, la base sur laquelle les Etats africains s’associeront à la République française et à d’autres Etats pour le développement de leurs valeurs et de leurs richesses communes ».

Ces mots, durs, peut-être, mais assurément vrais et sincères, avaient été adressés, à Cona-cris le 25 août 1958, par Sékou Tyran à de Gaulle, un des hommes les plus puissants de cette époque. Ce choix audacieux et naturel de liberté de la jeune Guinée face à la toute puissante France avait suscité de l’admiration à travers le monde.
En souvenir à ce « Non » historique à l’asservissement, à la domination, la même Guinée s’est logiquement levée comme un seul homme, 51 ans plus tard, le 28 septembre 2009, pour s’opposer à une éventuelle candidature présidentielle d’El Dadis. La bataille pour la démocratie et la liberté fut gagnée au prix de 157 morts par balles, 109 femmes violées, des milliers de blessés et d’une centaine de disparus, contre aucune goutte de sang en 1958 !

Le troisième « Non »

Toujours en souvenir du « Non » historique et légitime de 1958, des activistes de la société civile ont, le samedi 28 septembre 2019, essayé de marcher du rond-point Bellevue à l’esplanade du Stade du 28 septembre. Ils ont été arrêtés et gardés à vue au commissariat de police dudit Stade. « À l’occasion de la célébration du 28 septembre 1958, une coalition d’organisation de jeunesse de la société civile qui s’acquittait de son devoir (de mémoire, ndlr), dans la paix, s’est vu brutalisée, réprimée, gazée, arrêtée et conduite en garde à vue », explique l’un d’eux, Baïllo Barrit, de l’ONG Destin en main. « Pire, je me suis vu tirer de dos (par une grenade lacrymogène, ndlr) sur mes côtes, malgré mes efforts de négociation entre la police et notre coalition pour éviter le désastre. Un carnaval avec fanfare, des élèves, étudiants, diplômés, jeunes cadres venant de tous bords, sans violence, sans troubles à l’ordre public. La circulation était normale, les citoyens et leurs biens n’étaient pas en danger. Nous avions comme support de communication : la banderole aux couleurs de notre drapeau : Rouge – Jaune – Vert et la fanfare. Nous étions en train de chanter l’Hymne national, avant de subir la barbarie de ceux qui sont censés nous protéger et protéger nos biens ».

De son côté, l’opposant Faya Mini-mono du Bloc libéral parti déposer une gerbe de fleur en la mémoire des victimes du massacre de 2009 a été éconduit. Le lendemain, dans la commune de Kaloum, Mikaël Conté, citoyen de ladite commune a été interpellé et déféré devant la justice. Son tort ? Avoir brandi un papier volant sur le quel est inscrit « Non au troisième mandat ».

L’absurde

« La FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France qu’a présidée Alpha Condé, ndlr) était un mouvement très marqué à gauche qui militait depuis sa création en faveur de l’indépendance immédiate et de l’unité africaine. Ce fut une école de panafricanisme qui m’a profondément marqué », explique le chef de l’Etat guinéen dans Une certaine idée de la Guinée, titre du livre-interview que lui a consacré François Soudan, dirlo de la Rédaction du groupe Jeune Afrique. L’ancien opposant historique reproche à Sékou Tyran d’avoir voulu adhérer au « Oui » au référendum sur la communauté franco-africaine, à condition « qu’il s’agisse d’un mariage avec droit de divorce. C’est lorsqu’il y a eu cet affrontement public avec le général de Gaulle, le 25 août 1958, que Sékou Touré a décidé de voter « Non » ». Cela explique qu’Alpha Grimpeur, qui n’était âgé que de 20 ans en 1958, ait été plus intransigeant pour la liberté que le père de l’indépendance.

Le fossé entre les deux s’est élargi au fil des ans. Condé fut condamné à mort par contumace par Touré. La même rupture demeura durant les 24 ans de règne du successeur Fory Coco, au nom de la liberté et de la démocratie, contre la dictature. Le 28 septembre 2009, de l’étranger, l’opposant Alpha Grimpeur, membre de la plateforme des Forces vives (regroupant acteurs politiques et de la société civile, à l’instar de l’actuel Front national de défense de la Constitution), avait appelé les Guinéens à se lever contre le pouvoir militaire. Son parti, le RPG, avait répondu présent au rendez-vous du Stade. Autant dire que la Guinée a toujours milité pour la liberté, Alpha Grimpeur, du berceau à Sékhoutouréya, pour la démocratie. Ce n’est pas aujourd’hui que cela devrait changer.

Diawo Labboyah