Par ordonnance n°001 du 29 janvier 2020, le Président de la République a fixé les dispositions relatives au référendum. Jusqu’à la date de cette ordonnance, il y avait un vide juridique concernant les modalités pratiques d’organisation du référendum. La Constitution, le Code électoral et la loi organique régissant la CENI font certes allusion au référendum en désignant celle-ci comme l’institution chargée de l’organisation des élections politiques (élection présidentielle et élections législatives) en Guinée. Mais il n’existait aucune disposition spécifique relative au référendum alors qu’il y a une loi électorale bien détaillée. L’ordonnance du 29 janvier intervient en réalité, non pas pour combler ce vide puisque cette intention n’a jamais été exprimée, à plus forte raison matérialisée depuis presque dix ans. Il a fallu la volonté du Président de la République de doter la Guinée d’une nouvelle constitution pour que l’on pense à combler le vide juridique qui était là depuis tout ce temps. L’ordonnance fixant les règles relatives au référendum s’inscrit donc dans ce cadre.

Cette ordonnance intervient à la suite de loi n°55 du 30 décembre 2019 portant habilitation du Président de la République à prendre, par ordonnance, des mesures relavant du domaine de la loi. Cette loi étant votée sur le fondement de la Constitution du 7 mai 2010 dont la mise à mort est déjà programmée. Le Président de la République a, en tout cas, déclaré ” qu’ils le veuillent ou pas, nous allons adopter la nouvelle constitution “. Mais au regard de la matière sur laquelle porte cette ordonnance, on peut se demander si elle est conforme au contenu de la loi portant habilitation. En effet, selon l’article 2 de cette loi, les mesures que le Président de la République peut prendre par ordonnance concernent :
– l’autorisation de ratification des conventions notamment celles de financement.
– toutes autres lois nécessitées par les circonstances en dehors de celles relatives à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics, à la loi de finances, aux lois organiques, aux codes, aux lois impliquant les finances de l’État et les lois relatives au statut des personnes.

Ainsi, parmi les règles que le Président de la République ne peut prendre par ordonnance figurent en bonne place les lois organiques et les lois impliquant les finances de l’État. Tout porte à croire que le texte qui fixe les règles relatives au référendum s’inscrit dans le cadre des lois organiques. Le référendum constitue l’un des deux procédés par lesquels le peuple exerce sa souveraineté; l’autre étant l’élection par les citoyens eux-mêmes de leurs représentants. Il est donc illogique que le texte qui régit les élections, nationales ou locales, soit une loi organique et que celui qui fixe les règles relatives au référendum soit un texte d’une place inférieure dans la hiérarchie des normes juridiques. Ainsi, sur le fondement de la loi d’habitation n° 55 du 30 décembre 2019, une ordonnance ne devrait pas intervenir dans un domaine qui relève d’une loi organique votée à la majorité qualifiée des 2/3. L’ordonnance du 29 décembre va donc au-delà de la loi portant habilitation du Président de la République. C’est une opinion personnelle. Si l’on estimait que cet argument n’est pas opérant, l’on retiendrait tout au moins qu’une ordonnance fixant les règles relatives au référendum implique nécessairement les finances de l’État. En effet, l’organisation d’un référendum entraîne des dépenses, en termes de logistique notamment. À titre d’exemple, la confection du matériel de vote et son acheminement dans les différentes préfectures, pour ne citer que cela, génère sans aucun doute des dépenses publiques. L’ordonnance ° 001 du 29 janvier 2020 ne devrait donc pas porter sur une telle matière.

En définitive, l’opposition qui a déjà attaqué devant la Cour constitutionnelle les actes préparatoires pris par le Président de la République en vue du référendum, ne tardera sûrement pas à attaquer cette ordonnance car ce ne sont pas les arguments qui manquent, même si l’espoir de voir ” les huit sages” invalider lesdits actes est extrêmement mince, pour ne pas dire nul.

Me Mohamed Traoré,
Ancien bâtonnier