Les vingt présumés ravisseurs d’El Hadj Doura Diallo étaient ce 12 juillet, devant le juge du tribunal de première instance de Dixinn. Ils sont accusés d’avoir enlevé, séquestré et tué l’opérateur économique.

Pour l’audience de ce lundi, c’est Idrissa Diallo, proche d’El Hadj Mamadou Diallo (cerveau présumé du kidnapping), qui a été appelé en premier. Il est accusé de recel. Idrissa Diallo, le huitième a passé devant le juge, est ce commerçant à qui El Hadj Mamadou Diallo a confié les 99 000 des 100 000 dollars versés par la famille d’El Hadj Doura, comme rançon. Il n’aurait participé ni à l’enlèvement ni au transport, encore moins à l’enterrement de la victime. Idrissa a reçu l’argent en deux tranches, l’a gardé à Petit-Simbaya et à Hamdallaye. Il a même utilisé une partie du montant pour s’acheter une moto TVS, avant de prendre la route du Sénégal avec 13 autres milles dollars : «C’est Kann (un autre accusé) qui m’a donné l’argent au nom d’El Hadj. Ce dernier m’a demandé de donner l’argent à son ami (Ibro, ndlr). Son ami m’a fait promener entre Lambanyi et Fossidet jusqu’à 22h. Finalement, il m’a demandé d’aller déposer l’argent dans un coin sombre à Lambanyi. J’ai refusé, je suis rentré. J’ai dit à El Hadj d’envoyer l’argent à la banque. Il n’a pas voulu.  Le 20 décembre, son numéro ne passait plus,  je l’ai appelé 32 fois, son numéro ne passait pas ».

La suite, Idrissa Diallo confie qu’une partie de la rançon à deux de ses amis et s’envolera vers le Sénégal avec 13 000 dollars. Il reviendra dans son village de Popodra dans Labé quelques  semaines plus tard. El Hadj Mamadou Diallo, déjà en cavale, a appris qu’Idrissa est dans son village. Il s’est alors pointé à Popodra pour réclamer l’argent : « Je lui ai remis les 10 000 dollars que j’avais sur moi. Le reste était ici à Conakry, nous avons effectué des appels, l’argent a été donné à ses petits. Quand je suis revenu à Conakry, mon ami Chérif qui est gendarme, m’a dit que le commandant Lancinet Camara voulait me voir. Je suis allé à Hamdallaye, ils m’ont arrêté. C’est à l’Escadron de Hamdallaye que j’ai entendu parler de cette affaire. Dans ce groupe, je ne connais qu’El Hadj et Kann ».

Idrissa Diallo jure qu’il ignorait « la provenance » du pognon. «El Hadj ne m’a rien dit, parce qu’il sait que je n’allais pas l’accepter. Il sait que je ne sais rien de cette affaire ».

Il est établit qu’El Hadj Mamadou Diallo, cerveau présumé de l’enlèvement, lui a confié l’argent provenant de la rançon. Il est aussi établit qu’il a utilisé plus de 3 000 dollars : «El Hadj Mamadou Diallo, c’est mon patron, c’est mon frère, j’ai travaillé pour lui. Il sait qu’il ne pouvait même pas me dire que l’argent était douteux». «Je ne lui avait rien dit » sur l’origine de l’argent,  confirme El Hadj Mamadou Diallo.

«On vous a fait promener pendant des semaines avec cet argent, on vous a même demandé de déposer l’argent dans un coin sombre. Est-ce que vous ne saviez pas que l’affaire n’était pas claire ? », lui demande le juge. «Je n’ai pas pensé à cela, parce qu’il m’a dit que l’argent n’a pas de problème».

Mais il déclare n’avoir reçu que 60 000 dollars sur les 99 000 confiés à Idrissa : «Si l’argent n’était pas au complet, El Hadj est responsable, parce qu’il n’a jamais voulu que je lui remette la somme, main à main. Il n’a qu’à demander à ceux qui l’ont reçu », se défend Idrissa Diallo.

«Il est foncièrement de mauvaise foi»

Pour faire libérer Idrissa Diallo, un certain Thierno Amadou Dian Diallo aurait versé  plus de 10 millions de francs guinéens : «C’est El Hadj Mamadou Diallo, je ne sais par quelle manigance, il a payé cet argent pour me faire libérer. Sinon, moi j’avais dit à Colonel Rahim d’aller récupérer l’argent que j’ai pris à Madina ».

Pour maître Abdoulaye Kéïta, avocat de la défense, Idrissa a prouvé son innocence : «El Hadj a confirmé qu’Idrissa Diallo ne connaît pas l’origine de ce montant. Jusqu’à preuve du contraire, et le parquet et les avocats de la partie civile n’ont pas pu démontrer le contraire ». Faux, rétorque Me Faya Gabriel Kamano, avocat de la partie civile : «Il est foncièrement de mauvaise foi. Son souci, c’était comment disposer à tout prix de cet argent… Il a préféré jouer au cache-cache avec El Hadj, parce qu’il aurait eu beaucoup plus d’intérêt avec lui. Les deux ont voulu tromper tout le monde, ils ont fait croire aux autres qu’ils n’avaient pas reçu l’argent, alors que c’était faux et El Hadj Doura a trouvé la mort dans leurs mains ».

L’affaire a été renvoyée au 26 juillet, pour la suite des auditions des prévenus. A suivre !

Yacine Diallo