Chez nous aussi, Léon Bloy, chaque fois que la République ôte sa chemise, c’est pour en mettre une plus merdeuse. Et l’intermède, beurk ! beurk ! Sketch toujours applaudi : après le pékin, le kaki, on le héroïse, on lui donne le demi-dieu, sans confession. Bah ! Au regard des Guinéens, les Grenouilles de la Fontaine qui demandent un roi prennent un fier aspect citoyen. Ça vient de loin, le pedigree, l’homme ne croît pas où la Révolution a passé. Malheureux les peuples qui ont besoin de héros, dit BRECHT. Malheureux les peuples qui sont dans le malheur, traduit R. Debray.

Et jadis, Capitaine El Dadis. Il se dédit, mal lui en prit. On dit : le caractère, c’est le destin. Capitaine benêt, la tête près du béret. « Etait son propre obstacle et se trouvait sans cesse sur son chemin. » Le riz-pain-sel, on lui savonna la planche : la tuile du stade du 28 Septembre. Napoléon fait école : jamais n’interrompre un ennemi qui est en train de faire une erreur. Exit El Dadis. A l’embusqué, El Tigre, le timon de la Transition. Il faut faire avec le peuple via ceux qui parlent à sa place, en son nom, à son cœur. Œuvre pionnière éminemment politique, quintescentillement  démocratique. On s’attèle à la tâche, plein de sa mission : mener à terme la transition. Consensus sur toute la ligne. Moins de deux ans, notre bled n’est plus une friche institutionnelle mais un Etat de droit en puissance armé de pied en cap. Fallait garder le cap, en ligne de mire sortir de la transition : céder le pouvoir à un pékin élu proprement. Hélas, les critères d’élection du timonier n’avaient rien d’électoral, il ne s’est pas dépêtré d’intérêts et des rets du sang. La faute, pire qu’un crime. Mais les défricheurs méritent le respect même et surtout quand ils errent. « L’échec ouvre grands les yeux sur les conditions de la réussite ».

L’Histoire repasse les plats. A la bonne heure ! on reste sur notre faim. L’Histoire, ce 5 septembre, a séché son dimanche, un kaki, payant d’audace, vous déniche le pékin de tyranneau faisandé. Au piquet, avec ce qu’il te reste encore de vie pour sentir la mort ! Le preux légionnaire est salué en libérateur. Cassandre, pisse-froid ; il n’est pas d’exemple que ce qui a libéré un jour ne puisse le lendemain asservir. Le coup d’Etat…du dimanche, pour le crash ? du régime Alpha Condé, réclame sa « boîte noire ». Se bousculent les supputations. Sauver-ma-tête ? Brutus à la manque (Tu quoque…) ? « Victime sacrificielle, victime émissaire », l’ouvre-boîte de FRAZER, ethnologue : sacrifier le roi avarié et corrosif pour sauver le royaume ? Tout se sait.

La grandeur des commencements réside dans leur franchise, la légitimité suit comme un bagage en cabine. Il plane un flou sur son coup. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. Ad augusta per angusta. Le colonel, il a eu des couilles, c’est de formation. Le voilà fort pourvu pour « faire l’amour à la Guinée » (sic) et pour vous couillonner son monde. A lui, le pompon. Quand on est porteur de la bonne nouvelle, on ne tolère pas la concurrence. A lui, le peuple désormais. « A César ce qui est à César… et tout est à César » (Clémenceau).

Les partis politiques et tutti quanti, cornards, corniauds, dans la merde, Clochemerle, y’a qu’à bien se tenir, à carreau, au mieux, à faire tapisserie. « La politique : l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde » (Valéry). Pas godiche, le godillot. Couillu non couillon. Hosanna ! Ses bains de foule, ses gesticulations d’empathie et mémorielles, buissonnières, lui sont ablutions lustrales, le croque-mitaine de colonel colosse, c’est chevalier blanc-bleu. Parlez, mon colonel ! Et il dit, se lie. Attention les déliaisons dangereuses. Ses mots font déjà la moue. « Foin des Erreurs des aînés » ! Mais A. France : « Loin de me réjouir quand je vois s’en aller quelque vieille erreur, je songe à l’erreur nouvelle qui viendra la remplacer, et je me demande avec inquiétude si elle ne sera pas plus incommode ou plus dangereuse que l’autre ». « Point de Recyclage » ! Mais il se cassera, se casse déjà les dents sur « la cruciale question du retraitement… Le déchet, cette idée neuve en histoire, qui a de l’avenir (R. Debray). « Rassemblement » ! Mais le Sémiologue encore : « Tous ensemble, ce n’est pas un plus un. Addition n’est pas cohésion, ni parataxe, syntaxe ». Un tas ne fait pas un tout. « Point d’Exclusion ! » Mais le Sémiologue toujours : « Organiser un groupe c’est agréer des membres et donc contrôler les uns et en exclure d’autres ».

Brisons là. Les faits parlent plus haut que les mots. Et même l’interprète au nez de bois et aux oreilles coupées… « Libérateur », « Homme providentiel », « Messie » en seul être réunis, le colonel-là n’est pas obligé. Mais « qui s’incarne se dégrade. Tout couronnement est un retournement. Les archanges eux-mêmes ne règnent pas impunément ». Le Sémiologue ne nous lâche pas les baskets : « Et pourquoi le capitaine, qui n’est jamais assis que sur son cul, échapperait-il au trinôme qui nous gouverne tous autant que nous sommes, Lubricité, Cupidité, Vanité » ? Il faut protéger le fort du faible, alerte Nietzsche. Notre nouvel homme fort, on veut nous le donner pour un nouvel Adam, qui est de notre soldatesque non ressuyée, « avec ses odeurs, ses impuretés, ses pesanteurs ! » Certes il en a bluffé, certes il en jette. Avant lui, ça vous avait du sex-appeal aussi. La rivière du jour est le fleuve d’hier. Il devra de gré ou de force en rabattre. Cela n’est pas dans ses moyens. Le Christ n’a pas tué Zeus du jour au lendemain. Il n’est que des chemins à suivre aux chemins à frayer. Le coup de pied au cul de l’ancien combattant, on ne le conte pas à un ex-légionnaire.En parler de pékin : distinguer dans l’héritage entre ce qui doit changer et ce qui doit se maintenir. Il y a du brouillage en ligne et du brouillard en chemin. Mais le topo est comme la lettre volée de Poe sur la table du salon. Le colonel nous bricole dans le dos sa Transition spéciale, unique, eunuque. Le « nouveau-né avec les rides d’un très jeune vieillard » (J. Graca), signe son Césarisme populiste. Marqueur de cet autoritarisme qui n’a pas d’âge : un mécanisme de recrutement des dirigeants reposant sur la cooptation et non sur la mise en concurrence électorale des candidats aux responsabilités publiques » (Guy HERMET). Le totem : la technocratie. On moque le dogme, on vante la « boîte à outils ». Des ministres techniciens, voués à mettre en œuvre les décisions du capitaine plus qu’à contribuer à la création de celles-ci ! « On peut pécher par ignorance comme on peut pécher par intérêt. La compétence technique peut éviter le premier de ces maux mais ne peut rien faire concernant le second », remarque Wilfredo PARETO. En définitive, souligne cet autre, la technocratie ne peut pas neutraliser la dialectique des intérêts opposés dans la décision politique. Peut-on conclure que la technique n’a pas de morale, seuls les techniciens en ont ?

Machiavel, jamais loin, est à la baguette dans l’attrape-couillon de CNT. Manier tant de clefs pour ouvrir des pièces vides ! Une chambre lige, au bout d’une course à l’échalote pour 81 gogos, vous verrez, plus ils sont élevés, plus ils sont rampants, et le petit doigt sur la couture du pantalon. La consigne des consignes : temporisation de la transition kaki. La kakicratie et la démocratie, c’est huile et eau. Un proverbe espagnol dit : on ne peut pas demander à un orme de donner des poires.

Ne vous incrustez pas. Ce qui vaut le mieux n’est pas ce qui dure le plus. Le plus dur n’est pas le plus durable. Bon vent et bonne mer (de), colonel. Président de la République, chef de l’Etat, président du CNRD, président de la Transition ! Qui est à l’impératif ? On ne rectifie pas une graine semée. Croisons les doigts.

Kadjal Barry