Si on admet que l’abondance de biens ne nuit pas, on sait tout autant, par ailleurs, qu’ingurgiter une quantité inconsidérée d’aliments est nuisible à la santé. Aussi, même si comparaison n’est pas raison, l’envie de hasarder quelques tentatives de ce genre nous habite toujours. Dans notre bled, nous avons le sentiment de ne pas suffisamment nous parler, ni nous écouter et tout cela sur fond d’hypocrisie. A tort ou à raison. Il en est né un inextinguible besoin d’échanger, de dialoguer particulièrement pendant les périodes de transition (le bled en a connu trois depuis 1984) au cours desquelles l’absence de pouvoir légitime, de déficit de démocratie et les perspectives d’élections débouchant sur la restauration de l’ordre constitutionnel, exacerbent les tensions sociopolitiques et fragilisent l’unité nationale et la cohésion sociale. Dès lors, tout le monde convient de la nécessité des retrouvailles, comme naguère sous l’arbre à palabres, pour sauver les meubles sur fonds de sanakouya.

 Après avoir fait la sourde oreille et feint d’ignorer les préoccupations des politiciens et des activistes de la société civile qui pourtant ramollissent ici et ailleurs ceux qui exercent le pouvoir (le Grimpeur et ses ouailles en savent quelque chose), les colonels du CNRD réévaluent la situation et mettent un peu plus d’eau dans leur jus de gingembre.

En effet, après avoir organisé des tchatchas qui n’étaient en réalité que de simples prises de contact avec les différentes composantes de la société guinéenne et exprimé leur volonté d’ouverture, Doum-bouillant et le CNRD se sont murés dans une tour d’ivoire et considéré avec plus ou moins de dédain la requête insistante de dialogue de la classe politique et de la société civile. Les sujets requérant des échanges de points de vue sont pourtant nombreux et majeurs tels que la durée de la transition, composition du CNT et enfin la récupération des biens de l’Etat. Frustrés, ulcérés par ce manque de considération et l’exclusion, politiciens et activistes sociaux s’impatientent, s’organisent et menacent le CNRD de l’arme qu’ils savent manier avec dextérité et efficacité, à savoir les manifestations sur la voie publique.

Les épreuves de force en perspective dont l’issue est imprévisible, expliquent «l’attitude compréhensive conciliante» des colonels. Qui proposent alors plusieurs formes concomitantes d’échanges. On note pêle-mêle le cadre de concertations politiques où les partenaires sont les partis politiques, les assises nationales. Excusez du peu ! On attend que le CNRD qui préfère encore garder l’omerta sur sa composition, élabore et communique les termes de référence de ces galeries pour que le populo en sache le format, les objectifs, les résultats attendus et tuti quanti.

A l’allure où vont les choses, on pourrait craindre une inflation de cénacles qui, loin de contribuer à la clarté des débats, les brouillerait laissant émerger et s’imposer des sujets subsidiaires. Oh seigneur, fais en sorte que ces fora ne se transforment en foires d’empoigne. On a une forte envie de sortir enfin de l’ornière.

Abraham Kayoko Doré