La refondation de l’Etat est la nouvelle rengaine de la rhétorique politique depuis le 5 septembre 2021. Cette œuvre est, à bien des égards, comparable aux travaux d’Ulysse, dans l’antiquité. L’Etat s’est-il si usé, effiloché pour qu’on envisage de le refonder, le reconstruire ? Son  dépérissement est-il consommé ? Mais s’agit-il, de façon évidente, de refonder l’Etat ? Est-ce vraiment de la renaissance d’un nouvel Etat sur les cendres de l’ancien ? Il convient de s’interroger sur le concept d’Etat. En termes simples, de façon prosaïque, ce concept renvoie à un territoire, un peuple, une (des) langue (s), des institutions, des cultures, des civilisations. La refondation englobe ces multiples aspects. L’œuvre est suffisamment titanesque pour être dissuasive. Même « s’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour préserver ».

On peut donc penser que ce n’est pas de la refondation de l’Etat qu’il s’agit mais plutôt de la conception et de la construction d’une nouvelle gouvernance multidimensionnelle. En effet, c’est de la mauvaise gouvernance que les Guinéennes et les Guinéens souffrent depuis 1958. Evoquer la refondation de l’Etat relève de la diversion et vaut un coup d’épée dans l’eau.

Depuis 1958, la mauvaise gouvernance est la pratique privilégiée de ceux qui gèrent l’Etat. Les nostalgiques de la pensée unique et de la révolution tentent souvent de nous convaincre que sous Sékou le Tyran, c’était le triomphe de la morale. Ce qui est faux d’autant que « le camarade Président » a plus d’une fois fait balayer le boulevard du Commerce par des directeurs d’entreprises d’Etat, vêtus de tenues de tauliers, il en a alignés, torses dévêtues, le long de l’autoroute Castro, sur l’esplanade du Palais du peuple. Ces suppliciés, loin d’être des comploteurs, cette fois-ci, étaient accusés de crimes économiques (détournements de deniers publics, concussion, viols, etc.).

Ces postures dégradantes complétaient l’arsenal juridique jugé, par moments, insuffisamment dissuasif. Même les perspectives de pendaison, de diète noire, dans les taules, et d’autres affres carcérales ne purent soigner les cleptomanes de leurs maux. Un jour, suite au vol de câbles électriques à l’aéroport de Gbessia, le dictateur guinéen eut cette phrase lourde de sens : « En Guinée, ce qui est aujourd’hui condamné ce n’est pas le vol, mais la condamnation du vol ». Qui dit pire ?

Toutefois, force est d’admettre qu’à l’époque les délinquants à col blanc étaient jugés, mis au gnouf.

Sous le régime du Général Lansana Conté, marqué par le triomphe du pseudo libéralisme politique et économique. L’impunité exacerbé, la corruption, le népotisme, la concussion, les détournements et le vol de deniers publics. De grandes affaires sulfureuses éclaboussant des ministres défraient la chronique (affaire ANAIM). La cerise sur le gâteau ? Le Président-Général extirpa de l’Hôtel 5 étoiles de Coronthie Mamadou Sylla et Fodé Soumah qui étaient détenus, en attendant leur jugement.

Comme une chape de plomb, le système Alpha Grimpeur s’abatit sur la bonne gouvernance et l’étouffa littéralement. Les richesses nationales (bauxite, fer, diamant) sont bradées. A bras raccourcis, ministres et autres hauts fonctionnaires tombent sur les caisses publiques. C’est quasiment le braquage. Ils s’en mettent plein les proches. A qui mieux mieux. Des milliards de nos francs glissants passent des régies financières de l’Etat, subrepticement, dans les comptes bancaires des fossoyeurs de l’économie nationale et responsables de la misère du populo. Nabayagate est l’illustration du type de gouvernance que Alpha a administrée à la Guinée. Quelle tristesse ! Le mal de la Guinée est donc la malgouvernance. C’est elle qui souffre de pathologies qu’il faut diagnostiquer, soigner et guérir.

Abraham Kayoko Doré