En début de semaine dernière, le Colonel Doum-bouillant a convié sous l’arbre à palabre, à une petite explication entre partenaires exclusivement composés du gratin des miniers. Le Colonel ne s’est point embarrassé d’aménité. Il n’a pas été avare de gaulois revêche. Loin s’en faut ! On ne sait pas quelle a été la réponse des hôtes de marque (déposée) mais on imagine qu’ils ont eu tout bonnement le profil bas et avalé la couleuvre. Sans broncher ! L’effet boomerang, c’est pour plus tard, sans doute.

Inspirée par une vision nationaliste et révolutionnaire de la problématique du développement, en vogue pendant la guerre froide, l’ire du Colonel lui vient de l’exécution des clauses des contrats miniers. Qui n’est pas à son goût, car elle évoque la vieille pratique de l’échange inégal entre Nord et Sud. Le partenariat ressemble à un marché de dupes où les Guinéens sont les dindons de la farce. C’est tout sauf un partenariat gagnant-gagnant. Le colonel découvre ce qu’on sait déjà depuis belle lurette. Le diagnostic est connu, ressassé, récurrent. Le hic, c’est au niveau des solutions. Il n’est point nécessaire d’être Samir Amin ou Joseph Stiglitz pour comprendre que l’exportation des matières premières, en l’occurrence la bauxite pour la Guinée, prive les Etats du Tiers Monde de l’importante manne de valeur ajoutée générée par la transformation de ces produits primaires. Cette étape de la chaîne des valeurs se déroule dans les pays industrialisés et développés qui s’accaparent de cette richesse et l’incorporent à la rémunération des capitaux qu’ils ont investis. Sans état d’âme ! Las de ces rapports économiques déséquilibrés, voire iniques, mais incapables d’y apporter des réponses idoines, beaucoup d’Africains poussent des cris d’orfraies. Le Président Mamadi Doum-bouillant est de ceux-là et a, de surcroît, l’impétuosité, la hargne et l’impatience de son âge. Sans ménagement, ni langue de bois, il a  sommé les miniers de la bauxite de doter la Guinée, très rapidement, d’une raffinerie ultra moderne, performante et fleuron de la technologie de pointe. Comment ne pas faire siennes ces légitimes ambitions du colonel et du CNRD ? Seulement voilà ! La construction d’une infrastructure industrielle de l’envergure d’une raffinerie d’aluminium ne s’improvise pas. On la planifie minutieusement en tenant compte du contexte politique, économique, social et culturel du pays, mais aussi et surtout de la solidité financière de l’entreprise, de l’attractivité du produit sur le marché mondial.

Au-delà de ces conditions, l’Etat doit démontrer sa capacité d’assurer, de manière durable, voire pérenne, les lourds investissements avant et pendant la période du retour sur investissement. Un pays sans Etat n’intéresse aucun investisseur. Les sous ont horreur des bruits de bottes, des cliquetis des kalachnikovs. Outre ces éléments de contexte, il y a la condition sine qua non de la production de l’aluminium : l’énergie. Le procès de production de ce métal consomme l’électricité à outrance. Or, depuis 1958 et la légende du barrage de Konkouré, aucun gouvernement n’a pris à bras le corps l’électrification du bled de sorte que le déficit de ce service est aujourd’hui abyssal. Les colonels du CNRD ignorent-ils cela ? Vont-ils alors l’apprendre à leurs dépens ? Personne ne le leur souhaite.

Abraham Kayoko Doré