Lorsque le 5 septembre, le Colonel Doum-bouillant, à la tête de ses forces spéciales, trouble la grâce matinée dominicale d’Alpha Grimpeur et lui ôte le Kibanyi, pourfend l’alpha gouvernance, l’accable de tous les maux : corruption, concussion, népotisme, gabegie, incurie, iniquité, tribalisation de l’administration. Face à cette   apocalypse  préjudiciable naturellement au progrès et au mieux-être des Guinéens, il s’est engagé à construire une gouvernance de meilleure qualité.

Depuis, moult  initiatives  destinées à  opérationnaliser l’idée plutôt éculée du Colonel,  ponctuent la Transition. Ainsi, aussitôt installés sur leurs gbony abracadabrants,les ministres ont été priés d’accourir dare-dare au camp militaire de Kaléya pour y participer à une retraite gouvernementale visant à aiguiser leur civisme, leur patriotisme et leur nationalisme. Sanglés dans des treillis couleur vert olive, dans une position de garde-à-vous impeccable, ils ont religieusement écouté le Colonel-Chef de l’Etat, avant de s’engouffrer dans des bus pour Kaléya où ils ont vécu  trois jours de Spartiates. Quelques jours plus tard, les secrétaires généraux ont subi les mêmes sévices ! C’est la première innovation car c’est la première fois, en dehors des pires moments de la révolution, que l’ensemble du gouvernement en treillis participe à une retraite, dans un camp militaire pour acquérir davantage de civisme.

De cette opération qui évoque un essai de « désarmement mental », on est parvenu, aux pas de charge, à la récupération des biens de l‘Etat, notamment les domaines bâtis et non bâtis. Nombre d’agents de l’Etat, du secteur privé mais aussi des commerçants ont profité des tares de l’administration publique (laxisme, clientélisme, corruption…), en particulier à l’ère du Général-Président,   pour se faire attribuer des lots ou des parcelles inscrits aux domaines publics ou privés de l’Etat, dans des conditions tantôt conformes à la loi, tantôt bien sulfureuses. Alpha Grimpeur et ses ouailles en avaient souvent parlé et dans certains cas (ceux du Sid de l’UFR et de la Petite Cellule de l’UFDG) en avaient fait une épée de Damoclès, à l’approche des échéances électorales. En la matière, l’immobilisme avait  été total. Comme dans bien d’autres secteurs de développement socioéconomique.

Le Colonel Doum-bouillant veut mettre de l’ordre là. Il faut rendre à César ce qui est à César. On en convient, pourvu que la justice reste infailliblement la boussole du CNRD dans tout ce qu’il fait et que l’initiative participe au processus de développent du pays, donc à l’amélioration des conditions d’existence du Guinéen. Il  serait bien dommage qu’elle ne serve  qu’à sanctionner dans un pays dont les gouvernements, depuis plus d’un demi- siècle, ont été incapables de fournir aux populations des logements décents de tous standings, excellant plutôt dans la démolition récurrente des bâtiments construits péniblement par les particuliers qui ne bénéficient que très rarement de crédits bancaires.

Concomitamment à ce qui précède, Doum-bouillant s’est doté d’un bras séculier, en l’occurrence la CRIEF, pour faire rendre gorge à la crème de l’alphagouvernance à laquelle on vient d’ajouter la Petite Cellule. Une kyrielle de grosses huiles ont perdu depuis belle lurette et sommeil et joie de vivre. On leur reproche des infractions économiques et financières telles que la corruption, la concussion, le blanchiment d’argent, etc. Il faut dire que le pays n’est pas coutumier de la mise au gnouf de PM et de ministres en fonction ou non. Que la mayonnaise prenne et que la gouvernance s’améliore ! Sinon toute cette débauche d’énergie se réduirait à amuser la galerie.

Enfin, la dernière trouvaille du Colonel pour accroître la qualité de la gouvernance est la  délocalisation du conseil interministériel et du conseil ordinaire des ministres dans les capitales des régions naturelles afin de permettre aux ministres, dit-on,  de mieux s’imprégner des réalités des zones rurales. Mais d’où viennent-ils donc, ces ministres ? Ne viennent-ils pas pour l’écrasante majorité, des zones rurales ? Prétendre qu’ils ignorent les réalités de leurs terroirs ne convainc personne. La balade du gouvernement à travers le pays ne ressemble-t-elle pas à une onéreuse villégiature aux frais de la princesse ? Que dis-je aux frais du contribuable ?

Ces innovations illustrent la volonté du bouillant Colonel de gouverner autrement. Mais pour quels résultats ? « Rien ne sert de courir, il faut partir à point », nous enseigne La Fontaine, dans ses fables. La probabilité est forte que la montagne accouche d’une souris.

Abraham Kayoko Doré