Depuis un moment, sous nos yeux et à notre corps défendant, on galvaude un acte dont la solennité, la connotation et le symbolisme en font un événement sacro-saint, en l’occurrence la prestation de serment. Le cérémonial s’est enfoui dans les entrailles du subconscient du peuple depuis belle lurette. La trivialisation de cet acte  surprend et heurte ceux qui sont attachés à la bonne tradition rassurante, ceux que les iconoclastes dérangent. C’est dans pareille atmosphère que baigne la société guinéenne, en ce moment. On assiste à une inquiétante dynamique de démystification et de désacralisation  de la prestation de serment.  Fory Coco a inauguré l’exercice dont le responsable suprême n’a nullement eu besoin pour s’assurer et fidélité et loyauté de ses ouailles. La violence a été suffisamment dissuasive pour assujettir tout le monde. Toto compris. Le Général-Président a contraint ses ministres à jurer qui sur le Coran, qui sur la Bible pour ne plus grappiller le denier public ni ergoter dans le quartier à propos des actes du « pouvoir central ». A l’époque les sempiternels insatisfaits ont glosé sur le fait que les ministres-animistes ont juré sur les livres saints, faute de fétiches ou de gris-gris. Qu’on a tout bonnement oubliés dans leurs sanctuaires.

Comme les tares (concussion, vol, corruption, ragots…) qu’on souhaitait éradiquer, voire réduire, ne l’ont pas été, on peut affirmer que la ponction a été inopérante. Cela n’a guère dissuadé le CNRD qui use abondamment et abusivement de la prestation de serment. Il y a recours pour un oui ou pour un non. Même les menus fretins nommés à des postes insignifiants sont invités à se soumettre au cérémonial de la prestation de serment.

Cet air du temps souffle dans les secteurs. A l’occasion des  examens de fin d’année dont l’organisation est ce qu’il y a de plus trivial en Guinée et ailleurs, les gens-saignants tous sexes et catégories confondus, doivent à leur corps défendant et à leur tour, jurer sur les livres saints (toujours sans un gris-gris !) d’être des surveillants consciencieux et honnêtes. Il semble qu’à travers le pays,  beaucoup de gens-saignants voudraient faire de la résistance pacifique, estimant que ce qu’on leur demandait n’était pas utile. Mais n’ont-ils pas raison ? En quoi jurer sur le Coran et la Bible peut-il faire subitement d’un homme véreux un honnête. Comme du temps du Général, le remède risque d’être sans effets.

On sait que la cérémonie de prestation a été conçue et est réservée pour l’intronisation dans certaines fonctions prestigieuses. Ainsi, les médecins jurent sur le serment d’Hippocrate, les magistrats, les avocats, les Chefs d’Etat, etc.,  jurent sur la Constitution. Il ne faut pas jouer aux oiseaux de mauvais augure. Peut-être que le Colonel Mamadi Doum-bouillant et ses gars ont raison. On est en Guinée !

Abraham Kayoko Doré