L’autre semaine, les Guinéens ont vécu des moments déplorables. Les événements dramatiques qui se sont déroulés dans le Grand Cona-cris ne sauraient laisser insensible la fibre patriotique dans un pays qui possède tout dans ce bas-monde, sauf l’art, le devoir, l’obligation de vivre ensemble. De quel que côté que l’on se tourne, c’est l’amertume, le pessimisme, le ras-l’obole qui surgissent pour s’imposer avec arrogance. Pourtant, la Guinée avait presque tout pour vivre autrement. Dans la paix du cœur et de l’esprit. Dans le bien-être et l’acceptation de l’autre. A l’ombre de «liberté, justice et solidarité», il devrait être difficile d’y mal vivre. Que nenni !

Après un demi-siècle de pouvoir PDG et PUP, ajouté à une décennie de celui du RPG, parsemé de deux transitions bien distinctes, la démocratie guinéenne n’est pas très loin du point mort. Les tueries de Conakry en juillet 2022 nous incitent à évoquer, comme à la Prévert, les résultats du parcours de la démocratie de notre Guinée «fière et jeune». Au début était la liberté de manifester garantie par toutes les constitutions, de 1958 à 2021. La Charte du CNRD, fougueuse à souhait, n’a pas souhaité faire exception. A juste titre. Il n’existe pas de communauté humaine où «tout le monde il est beau, tout le monde il est content». Aussi, le pays n’a pas encore interdit à ses enfants de rire ou de pleurer. Pourquoi, grand Dieu, refuserait-il à quelqu’un d’exprimer ses joies ou ses peines ? Le roi est nu. La praxis, comme dirait Engels, a ôté le masque à tout le monde.

A commencer par le FNDC, un organisme des plus sensibles à l’injustice. Vous l’entendez souvent se lamenter sur le mur de «l’interdiction» de la marche du 28 juillet. Il déplace le problème. Devrait-il demander à un maire, même mal élu, l’autorisation d’organiser une marche pacifique ? La question ne se pose pas. Le maire doit être informé. Tout bonnement. Jusqu’à preuve du contraire, un maire de commune n’a aucun moyen d’interdire une information. Une marche organisée est forcément pacifique, nul besoin de tomber dans la tautologie. A moins que l’on ne s’évertue à inverser les rôles, à déplacer les maux, à trafiquer les termes. Tout laisse croire que les rues des mairies se muent en boucheries le jour d’une marche. Demander à un manifestant de s’y rendre équivaut à l’exposer à la mort. Puisque l’on confond allègrement le boucher et le bouvier. Celui-ci est chargé de livrer le bétail à l’abattoir, celui-là, de l’abattre. Jamais l’inverse !

Le chemin parcouru par nos forces de défense et de sécurité a connu des hauts et des bas comme toute œuvre humaine. Mais depuis le 5 septembre, après lecture, même en diagonale, de la Charte de la Transition, la plupart des Guinéens avaient acquis la certitude qu’aucun manifestant ne mourrait plus par balle réelle. Mais, non ! L’habitude a dû s’ancrer de gommer de nos commandes d’armements tout ce qui peut s’apparenter à une balle en caoutchouc. On sauverait peut-être des vies si l’on supprimait de nos textes fondamentaux toute idée de liberté de manifestation. C’est nettement plus simple.

Diallo Souleymane