Le lendemain du 64è anniversaire du 25 août, marquant un point nodal du processus d’accession du pays à la souveraineté nationale, les Guinéens ont accompagné à sa dernière demeure l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante, Loucény Camara. Dans l’amertume, dans la division, on peut le dire, vu les circonstances qui ont précédé l’inhumation.

La nation aurait dû profiter de la disparition de M. Camara pour organiser un symposium et évaluer le parcours de la CÉNI que l’on peut qualifier de baromètre de la démocratie guinéenne. Les six départs qu’a enregistrés la direction de l’Institution auraient dû fournir l’occasion de savoir ce qui a empêché le pays de hisser sa démocratie au diapason de celles de ses voisins néo colonisés comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal et j’en passe. L’État a bombé le torse pour ne piper maux sur la mort en détention de Loucény Camara. On le comprend, Sir Winston Churchill avait dit qu’il « vaut mieux faire de ses anciens prisonniers, des premiers ministres, que de faire de ses actuels premiers ministres des prisonniers ! » Pourtant, l’occasion semblait opportune pour jeter un nouvel éclairage sur l’avenir de cette institution qui a vu défiler 6 présidents entre 2008 et 2021, des chefs  plus ou moins controversés, plus ou moins convoités, plus ou moins courtisés, plus ou moins influençables, plus ou moins achetables, plus ou moins corruptibles. Feu Loucény Camara n’en était certainement le pire, l’occasion ne lui a jamais été donnée d’organiser la moindre élection bien qu’il ait dirigé l’institution à deux reprises.

Au début, était la CENA, la Commission Electorale Nationale Autonome de Dr. Rachid Touré. S’y sont succédé Ben Sékou Sylla, Loucény Camara, le Général malien Toumany Sangaré, encore Loucény Camara, Bakary Fofana, Salif Kébé et Kabinet Cissé. A chacun de ce beau monde, son identité remarquable, son pouvoir discrétionnaire, ses rapports avec la classe politique, ses candidats magouilleurs. La CENA était peut-être trop autonome pour sortir des urnes un candidat démocratiquement élu. Elle n’a pu s’empêcher de déborder sous Ben Sékou Sylla qui pouvait annuler à sa guise un nombre important de bureaux de votes le plus légalement du monde. Aussi, à la présidentielle de 2010, a-t-on réussi à accuser  Alpha Condé de lorgner de ce côté pour s’assurer une avance confortable avant le scrutin du 27 juin. Quand le candidat du RPG s’est rendu au chevet du premier président de la CENI hospitalisé à Paris, l’idée lui est venue de rappliquer immédiatement sur Conakry pour attendre le corps. Loucény Camara non plus n’a pu jouir du privilège faute d’avoir pu organiser la présidentielle. Manque de consensus oblige avec une classe politique plus que bouillonnante. On a fini par tordre le cou à la loi pour « choisir » Général Sangaré afin de parachever le mal gouvernance électorale que l’on sait. Loucény Camara qui lui a succédé n’a pu organiser les législatives d’après. Bakary Fofana avait fait prévaloir d’autres arguments pour mieux convaincre. Me Salif Kébé, le pilote incontesté de la dernière présidentielle du Grimpeur, n’a pu bénéficier de funérailles « dignes de nom. » Pour cause de Covid-19, dit-on sans convaincre.  La CENI serait-elle l’institution la plus maudite de la démocratie guinéenne ? Que Mory Condé ne  réponde surtout pas !

Diallo Souleymane