«S’il y a un constat qui fait aujourd’hui l’unanimité, c’est que nous commençons à toucher le fond….Jamais dans l’histoire politique de notre pays, en tout cas depuis l’avènement de la démocratie multipartite, l’appareil étatique ne s’est montré si prédisposé et déterminé à restreindre l’exercice des libertés fondamentales… Aucun des régimes précédents ne s’était montré si résolu et déterminé avec haine et mépris à persécuter les Guinéens. Nous faisons face à un remake… avec des pratiques autoritaristes qui avaient été invoquées pour justifier la prise du pouvoir par les militaires le 5 septembre 2021.»

Ce long passage provient d’une des multiples explications par le FNDC des mésaventures souvent rocambolesques que rencontre la démocratie guinéenne sur le terrain  D’apparence banale, ce remake constitue en fait l’alpha et l’oméga « des regrets post-coups d’Etat » qui ont jalonné l’histoire de la Guinée indépendante. En moins d’un an, il y en a parmi nous qui commencent à « regretter» le régime nauséabond d’Alpha Grimpeur. Aux oubliettes, le gaspillage des ressources et de conviction à l’occasion du 3è mandat, les gaz lacrymogènes qui escortent les cortèges funèbres dans les fiefs de l’opposition, les promesses mirobolantes d’usines de miracles, la privatisation de fait de la Fonction Publique, « les huit cent millions de dollars de Rio Tinto», les vingt-cinq millions de Palladino, les multiples autres dettes du candidat Alpha, payées rubis sur ongle par le Trésor public après le scrutin de 2010…Aux calendes grecques,  la compétence certaine du professeur-candidat capable de tirer la Guinée exsangue des griffes de ses anciens premiers ministres pourris, assoiffés de pouvoir et d’espèces sonnantes et trébuchantes. Applaudi à tout rompre le 5 septembre de l’année dernière, Colonel Mamadi Doumbouya s’achemine-t-il aujourd’hui vers la ruine des espoirs ? La simple référence « aux bienfaits » de la gouvernance du Grimpeur est manifestement un mauvais signe.  

Malheureusement, si l’histoire ne s’est pas répétée, elle aura au moins bégayé. Ce pays semble avoir trouvé un équilibre malicieux entre la célébration du héros  et la condamnation du bourreau.  Pour ne pas actionner la machine à remonter le temps, paraphrasons Goethe : « au début était l’indépendance. » Le méchant colon part avec nos actes de naissance et tout le bataclan. Arrive Sékou Touré, sans bagages ni ambitions, autres celles de détourner à tout prix le nouveau pouvoir fraichement arraché des colons.  Nous chantons ses louanges. Il nous laisse faire,  le temps pour lui  de masquer le diable en Bon Dieu. Le nationalisme exacerbé nous empêche de voir que « le méchant colon » n’a changé que de couleur. L’ami intime de Gaston Deferre, l’ancien vice-président du Conseil du Gouvernement de la Guinée française, le camarade Ahmed Touré, tourne à son profit exclusif l’essentiel du système colonial. Les travaux forcés et les fournitures obligatoires reviennent au galop, respectivement sous la forme de « normes et d’investissements humains.» Le garde-cercle troque sa chéchia rouge contre la tenue blanche du milicien, la réunion du vendredi ferme la marche de la liberté. Résultat : nous allons célébrer le 64è anniversaire de notre accession à l’indépendance sans que le cavalier et le cheval n’aient réussi à harmoniser l’égalité que la démocratie guinéenne leur  impose. Alors, point de surprise si nous continuons à applaudir successivement nos héros et nos bourreaux. Mais, de grâce, ne me dites pas que ceux-là ne sont pas  interchangeables !

Diallo Souleymane