Enfin ! Le procès des graves évènements du 28 septembre 2009 a fini par se tenir. Contre vents et marées, au grand dam des coupables et à la grande satisfaction des victimes. On y croyait plus. La ténacité et la persévérance des victimes et des organisations des droits humains ont triomphé. Le bien a, encore une fois, vaincu le mal. Les manœuvres dilatoires de ceux que ce procès a corsetés dans un état d’apnée n’ont pas résisté au temps et à la détermination des femmes et des hommes que la furie barbare de ce jour a heurtés. On attend plus que l’étalage sur la place publique, plutôt à la barre du tribunal de première instance de Dixinn délocalisé à Kaloum. Dans le box des accusés, on peut zieuter des curiosités qui font sourire, sourciller ou grincer des dents. Selon les sentiments qui nous étreignent. Il y a là, assis côte à côte ou les uns derrière les autres, les grosses huiles de la tumultueuse transition de 2008-2010 : le capitaine Moussa Dadis Camara, Moussa Thiegboro Camara, Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba, Claude Pivi.

L’image de ces hommes vaut un arrêt, car elle est historique mais aussi et surtout évoque le sophisme selon lequel « la roue de l’histoire tourne ». En 2009, au faîte de leur puissance, surfant sur leur victoire de la nuit du 23 décembre 2008, ces officiers ont-ils une seule fois pensé qu’ils se trouveraient, un jour, là, dans cette posture ? Loin s’en faut ! Qui ne se souvient des fréquentes cocasses mais redoutables Dadishow ? Qui ne se souvient de la chasse à l’homme menée par Claude Pivi dit Coplan, particulièrement dans les communes de la banlieue de Conakry où elle fut incontestablement efficace et salutaire ? Qui ne se souvient des résultats retentissants de la lutte que Thiegboro et ses mousquetaires livraient au grand banditisme ? A-t-on oublié ce 3 décembre fatidique où Toumba a failli, de peu, ôter la vie à Dadis ?

Que ces hommes soient aujourd’hui assis dans le même box après avoir incarné le pouvoir d’Etat est une véritable leçon de vie (ou de chose ?) qui doit nous inspirer, surtout ceux qui parmi nous aspirent à diriger le populo et nous inculquer des rudiments de culture de l’humilité. Au-delà de ses aspects prosaïques, force est d’admettre que mené avec professionnalisme, ce procès constituera, dans l’histoire de notre pays, une jurisprudence qui contribuera à qualifier davantage la gouvernance du pays et à renforcer la culture des droits humains, individuels et collectifs. L’impunité des crimes intolérables commis sous la révolution, durant 26 ans (1958-1984) n’explique-t-elle pas, en grande partie, la culture de la violation des droits humains dont notre gouvernance est coutumière ?

Le 28 septembre au stade éponyme, des centaines de militants des partis de l’opposition ont été abattus, des centaines de militantes violées et des centaines de militants blessés, lors d’un meeting paisible. Durant son magistère, Alpha Grimpeur dont de nombreux militants et responsables ont été pourtant blessés lors de la répression, rien n’a été fait pour organiser ce procès dont l’importance didactique et éducative est évidente.

Abraham Kayoko Doré