Parmi les problèmes qui accompagnent discrètement l’histoire de la Guinée, figurent en bonne place la réconciliation, l’inclusion, la nécessité de dialogue. Vous voudrez bien compléter la liste vous-mêmes, faute d’espace ! Nous semblons nager dans un flou total qu’apparemment personne ne veut aborder. Nous voulons absolument nous réconcilier sans mettre le doigt sur ce qui nous divise. On peut difficilement arriver à une réconciliation nationale sans une étude approfondie des divers facteurs de division qui nous minent depuis notre accession à l’indépendance. On a dû se laisser avoir quelque part pour deux raisons au moins. Personne ne peut raisonnablement nier que le 27 septembre 1958, la Guinée française était unanime à voter « non. » Contrairement aux idées reçues, Labé que l’on stigmatise encore aujourd’hui, a craché 27 440 oui, contre 40 143 non. Sans soulignerque le pouvoir colonial avait concentré l’essentiel de ses troupes au Fouta suite à l’appel à un vote négatif lancé conjointement par Barry Diawadou et Barry III au nom du PRA. Les archives coloniales de Nantes ne diront certainement pas le contraire. Le oui ne l’a emporté dans aucune circonscription électorale de la colonie.

Les spécificités de notre histoire ne nous ont malheureusement pas permis d’organiser une Conférence nationale souveraine comme l’ont fait certains pays francophones du continent, malgré la volonté d’une minorité de jeunes cadres à l’époque de la conférence de la Baule de juin 1990. Il faut reconnaître que les Guinéens de l’intérieur et leurs compatriotes de l’extérieur que tout opposait, s’entendaient tacitement sur ce point. Des deux côtés, l’on a manœuvré avec une intensité inégalée. « Les Guinéens de l’intérieur » ont contribué, sûrement à leur corps défendant, à alimenter la dictature meurtrière du PDG. « Les Guinéens de l’extérieur », que tout ou presque opposait entre eux également, se sont vus signataires, à leur corps défendant pour beaucoup, de l’action de déstabilisation ratée du 22 novembre 1970. A ce jour, impossible de se retrouver entre Guinéens pour laver le linge ensanglanté à la maison. La Guinée est une famille qui a peur de sa propre histoire. Pourtant, il semble peu probable qu’elle s’en sorte sans avoir soldé ce passé.

Tout le monde a vu les autorités de la Transition se démener pour un « dialogue inclusif, une transition apaisée, consensuelle, réussie. » Décret présidentiel par ci, arrêté premier ministériel par là. Mais rien n’y fait. Chacun de son côté. Chacun pour soi. Du bout des lèvres, on évoque partout « les intérêts supérieurs de la nation. » Il est peu probable que l’on ne s’en sorte rien qu’avec des vœux pieux. Pourquoi ne pas nous inspirer de la réussite des autres? Regardez, ne seraient-ce que la Côte d’Ivoire, le Libéria ou la Sierra Léone ! Ne pensez guère au génocide rwandais, puisque nous n’avons même pas connu les affres de la guerre civile ! Retournons au Burkina, non pas pour réinventer les Ouaga I ou II, mais pour constater la prédominance effective « des intérêts supérieurs de la nation » dans le pays des hommes intègres. Nous comprendrons comment ils ont pu catapulter Djendjéré en 2015 ou organiser le départ de Damiba en 2022. Sans effusion de sang. Tout chef d’État qu’il est, Général Ibrahim Traoré est déjà averti : « Si un jour il arrive à dérailler, nous allons tenter de l’enlever; s’il refuse, nous allons quitter derrière lui. Pour son honneur, il a intérêt à écouter le peuple s’il veut que sa chose marche. »  C’est tout dire.

Diallo Souleymane