Où, grand dieu, Aboubacar Sidiki Toumba Diakité a puisé sa force de persuasion ? A la barre, il donne l’impression de poursuivre trois lièvres à la fois : dire la vérité en toute humilité, convaincre l’auditoire qu’il ne dit que la vérité et …sauver sa tête. L’issue du procès nous situera. Peut-être que les deux premiers lièvres n’en font qu’un, avec celui-là, doté d’une super intelligence. A propos, le cinquième amendement de la Constitution américaine n’est pas si dénué de sens : « Nul ne doit témoigner contre soi-même. »

Sûr que la narration de Toumba est de nature à prolonger l’insomnie des historiens de ce pays. A la suite de Prof Djibril Tamsir Niane, on peut se demander pourquoi les divers régimes politiques qui se sont succédé à la tête de la Guinée se sont tous soldés par des ruptures abruptes, hasardeuses, après le départ du « méchant colon. » Le Guinéen colonisé était-il plus sensé, plus intelligent, plus patriote que le Guinéen indépendant ? De grâce, que personne n’accepte d’y croire !

Pourtant, la toute première transition, celle du 2 octobre 1958, s’est déroulée dans les conditions les plus normales, les plus légales, les plus harmonieuses. Après le rejet de la communauté franco-africaine du 28 septembre 1958, que l’on pouvait assimiler à un partenariat entre le cavalier et le cheval, la Guinée s’est muée en république au sens plein du terme. Elle s’est fondée sur tout ce qu’elle comptait d’élus pour assurer une transition correcte et régulière entre la Guinée Française et la République de Guinée. Finalement, le méchant colon s’est plié au verdict des urnes. La classe politique, colonisée à souhait, s’est émancipée dans la justice.  

L’Assemblée territoriale s’est érigée en bonne et due forme en Assemblée nationale pour proclamer la république et former la commission chargée d’élaborer le projet de Constitution. A Sékou Touré, vice-président du conseil du gouvernement de la loi cadre dite Gaston Deferre, a été confié la lourde tâche d’assurer la transition jusqu’à l’élaboration de la nouvelle constitution destinée à assurer la continuité de la justice pour laquelle les pères de l’indépendance s’étaient battus corps et âmes. La main dans la main. Consultez vos documents, vous verrez que la commission constitutionnelle, ainsi choisie par une assemblée à peine nationale, ne se distinguait ni par l’ethnie ni par la région ni par la religion. Primait la compétence. En voici les membres : Diallo Alpha Amadou, Bailhache Robert, Kéfing Donzo, Kéita Ouremba, Diallo Joseph, Diallo Amadou Téliwel, Soumah Nabi Issa, Gnan Félix Mathos, Diané Lansana, Joachim Eugène Louis, Célestine Robert, Camara Mory, Traoré Samba Lamine, Tounkara Jean Faraguet, Soumah Moustapha. C’est le contenu in extenso de la loi n03 du 2 octobre 1958, signée de son président, Saifoulaye Diallo. Elle produisit une constitution remarquable. Un rapide coup d’œil, et vous mesurerez l’abîme entre le 2 octobre 1958 et le lundi 24 octobre 2022. L’article 42 de notre première constitution stipulait que « le domaine du citoyen guinéen est inviolable. » Qui, comme Toumba, pour nous expliquer ce qui nous est arrivé par la suite ? A la mort du Président Ahmed Sékou Touré, le 26 mars 1984, le Guinéen et son domicile appartenaient l’un et l’autre, au vénérable Parti unique, le PDG-RDA. Qui, comme Toumba nous exposera le passage de témoin entre le régime du PDG et celui du PUP ? Même entre le Général Konaté et le « le Professeur » Alpha Condé, il y a à redire. Peut-être commandant AOB nous aidera-t-il un jour. Que de militaires dans notre histoire !