Le doyen Souleymane Diallo, fondateur du Groupe Lynx-Lance, va recevoir les hommages des journalistes guinéens et africains samedi, 29 octobre 2022, au Chapiteau By Issa, au Palais du peuple, à Conakry. Avant cette grande cérémonie qui va honorer ce pionnier de la presse privée guinéenne, Guineematin.com est allé à la rencontre de madame Asmaou Barry (ancienne du Groupe Lynx-Lance, actuelle conseillère au Conseil national de la Transition et également membre de la Commission d’organisation de ladite cérémonie), pour parler de son ancien patron mais aussi du niveau d’avancement des préparatifs de ce grand rendez-vous. Selon Asmaou Barry, monsieur Diallo Souleymane a été pour beaucoup dans la formation de nombreux journalistes guinéens. Elle le décrit comme un homme rigoureux et perfectionniste dans le travail au sein du Groupe Lynx-Lance.

« Diallo Souleymane et Le Lynx constituent une sorte d’institution d’enseignement ou de formation de journalistes en Guinée. Il y a beaucoup qui sont passés par là-bas et qui ont été formés à partir du journal Le Lynx. Du point de vue rédaction, c’est quelqu’un qui est très rigoureux parce que pour qui connaît un peu l’exercice du métier de la presse écrite, aligner plusieurs phrases, plusieurs paragraphes pour constituer un article de presse écrite n’est pas une mince affaire. Et, pendant que vous cherchez à trouver les bonnes expressions, les bonnes formulations, en même temps vous craignez parce qu’il fait partie du lot des correcteurs, ce qu’on appelait les « ensanglanteurs ». Souvent, on fait tous attention (du stagiaire au rédacteur en chef) quand on sait que notre papier pourrait être corrigé par Diallo Souleymane, on a une sorte de peur au ventre d’entendre quelques critiques. Mais tout cela, c’était pour nous emmener vers l’excellence, pour nous perfectionner davantage. Donc, il faut dire que Diallo Souleymane a la qualité de perfectionniste pour les journalistes qu’il a encadrés. Ça, c’est dans le cadre du traitement de l’information. Et pour la collecte, il était très regardant sur comment est-ce que vous avez procédé pour obtenir telle ou telle information. Donc, il a cela ; et, je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de journalistes reconnaissent que c’est lui qui les a aidés à se former, à savoir collecter les informations, les techniques de collecte, de traitement de l’information mais aussi avoir appris la rigueur et même l’éthique, la déontologie du métier. C’est quelqu’un qui est très jaloux de son indépendance et surtout ce qu’il va publier dans son journal. Il ne voudrait pas publier et que par après qu’il y ait des soucis, des critiques ou alors des revendications derrière. Donc, il est très regardant sur tous les articles, là, je pense que c’est une bonne chose. Et, aujourd’hui par exemple, si je peux dire que j’ai la plume pour pouvoir aligner quelques paragraphes pour faire un texte, c’est bien grâce à mon passage au Lynx ; et, pour cela, je pense qu’on n’arrêtera jamais de le remercier et de lui reconnaître ce mérite-là », a-t-elle indiqué.

Pour illustrer la rigueur au travail dont fait montre le patron du Groupe de presse Lynx-Lance, Asmaou Barry explique : « Je sais qu’en terme de relation humaine, d’aucuns diront qu’il est dur, surtout quand vous arrivez à la rédaction et que vous travaillez, il ne fait de cadeau à personne. Si vous n’êtes pas quelqu’un qui a suffisamment de patience ou qui peut encaisser certaines choses, vous risquez de partir. Et, je me rappelle qu’une fois, ça m’est arrivée de remonter les escaliers de la rédaction pour m’asseoir dans un coin et pleurer, parce qu’il m’avait dit quelque chose qui m’avait fait très mal ; mais, aujourd’hui, je n’ai pas de remords sur tout ce qu’il me disait et tout ce qu’il faisait ».

Au-delà du travail que le doyen a fait dans son Groupe, il s’est donné corps et âme pour la liberté de la presse en Guinée. Il a, par exemple, beaucoup contribué à la mise en place de textes réglementaires pour un bon exercice du métier de journalisme dans son pays.

Asmaou Barry, ancienne du Groupe Lynx-Lance, actuelle conseillère au Conseil national de la transition

« Diallo Souleymane est celui-là qui a principalement contribué à l’indépendance du journalisme en Guinée. Aujourd’hui, nous de la nouvelle génération, on peut ne pas savoir d’où l’on vient. Mais, il faudrait juste qu’on sache qu’il y a eu des aînés qui se sont battus et qui ont tracé le chemin pour nous. Et, si aujourd’hui nous en sommes là, ce qu’il y a un travail qui a été fait. Diallo Souleymane fait partie de ceux-là qui ont débroussaillé le chemin pour nous. Il a travaillé sur les réformes du métier de journalisme que ce soit d’ordre législatif, réglementaire parce qu’il a contribué, notamment à la rédaction de la loi sur la liberté de la presse et à faire adopter pratiquement tous les textes sur la liberté de la presse, la loi sur la HAC, avant ça le CNC dont il a été membre. Mais il a aussi été l’un des donateurs de l’OGUIDM (Observatoire guinéen pour l’éthique et la déontologie des médias), de l’AGEPI. Cela, c’est en Guinée, mais aussi sur le plan régional et même africain. Il a également beaucoup contribué dans l’émancipation de la presse en Guinée tant dans la formation, le partage d’expérience, la rédaction et l’adoption de textes réglementaires. C’est quelqu’un qui a beaucoup contribué et qui a donné sa vie et même sa liberté à ce métier en Guinée. Il a été interpellé plusieurs fois, il a fait de la prison plusieurs fois, il a même été mis sous contrôle judiciaire. Je pense que très récemment même, en 2020 où, bien qu’étant âgé, il a encore été trimbalé en justice. Tout cela, c’est au prix de la liberté, il s’est sacrifié. Donc, il est important pour nous de reconnaître cela à Diallo Souleymane. Diallo Souleymane, au-delà des aspects éditoriaux ou bien de l’exercice du métier, quelqu’un qui se bat pour l’indépendance économique des médias. Pour l’adoption d’un modèle économique viable pour les entreprises de presse, parce qu’il disait même quand j’étais reporter là-bas, je n’ai pas certes d’argent à vous donner abondamment, mais je peux assurer le fonctionnement de mon journal. Pour la petite histoire, cette subvention dont on parle aujourd’hui est partie de lui. C’est lui qui a parlé au ministre de l’Économie et des Finances d’alors sur les difficultés de la presse, ce dernier a dit : tenez, je vous donne ce montant et là directement il a dit vous l’inscrivez dans la loi de finance pour que ça soit une tradition, que tu sois là ou pas que ce soit une continuité de l’État. C’est comme cela que la presse a commencé à être subventionnée par l’État guinéen et nous lui devons cela. Aujourd’hui, on est tous en train de demander son augmentation, mais c’est parti de lui », a rappelé la conseillère du CNT. 

La cérémonie d’hommage est aussi une occasion pour passer la main à la nouvelle génération de journalistes guinéens qui devra poursuivre la perpétuelle lutte pour la liberté de la presse.

« Et pour moi, cette cérémonie a un double sens : d’abord, c’est l’hommage que nous voulons rendre à Diallo Souleymane mais aussi dire à nous, actuelle génération, que rien n’est jamais acquis pour toujours. Voilà un homme qui a passé plus de 40 ans de sa vie à se battre pour la presse. Qu’on ne pense pas que ça y est, c’est fini on peut dormir sur nos lauriers. Ça veut dire que cette cérémonie doit être l’occasion du passage de flambeau, que nous récupérions ce flambeau et que nous le maintenions, que nous continuions à nous battre pour une presse libre et indépendante en Guinée, respectueuse des principes d’éthique et de déontologie, donc une presse responsable. Je pense que ce message là aussi est très important pour que nous continuions à nous battre pour la survie de la presse en Guinée », a ajouté l’ancienne journaliste du Groupe Lynx-Lance.

Du côté social, Asmaou Barry décrit le doyen Souleymane Diallo comme un homme généreux et disponible pour soutenir les gens.

 « Du point de vue social, il garde de bonnes relations et il parle bien de vous à d’autres personnes. Et il n’hésite pas à aller jusqu’à chez vous dans des circonstances heureuses ou malheureuses pour exprimer sa sympathie. Et moi personnellement, je vis des moments difficiles mais il fait partie de ceux-là qui vont chez moi pour me remonter le moral et ça je n’oublierai jamais pour lui. Au-delà de tout ce que nous avons vécu ensemble dans le cadre de la rédaction et de travail, mais du point de vue social, je sais que c’est quelqu’un qui est humain », a-t-elle affirmé.

Par ailleurs, à 48 heures de la cérémonie d’hommage, Mme Barry explique que tout est pratiquement au point pour faire de l’événement un moment convivial et de partage avec pas moins de 300 personnes invitées.

«Pour ce samedi 29 (octobre 2022), nous sommes très avancés en ce qui concerne l’organisation de cette cérémonie, on est dans la phase de distribution des cartes d’invitation, parce que nous attendons 300 personnes. C’est d’ailleurs l’occasion de réitérer l’invitation à toute la presse, parce que comme nous l’avons dit, c’est la presse guinéenne qui célèbre Souleymane Diallo, ce n’est pas un groupe de journalistes. Donc, il faut que tout le monde se sente concerné et vienne ce jour-là pour rendre hommage à Diallo Souleymane au Chapiteau By Issa. Pratiquement, les aspects logistiques sont presque bouclés», a-t-elle assuré, avant de remercier les nombreuses personnes qui ont contribué financièrement pour que la cérémonie dommage puisse se tenir. Et, elle invite tous ceux qui souhaitent contribuer à le faire, parce que la Commission a un budget à boucler pour rendre l’événement encore plus beau.

Mamadou Yahya Petel Diallo

pour Guineematin.com