Dans leurs infinies bonnes intentions de refonder l’Etat, moraliser la société guinéenne, rendre la gouvernance clean et accélérer la transformation de la Guinée en pays émergent, le CNRD et Doum-bouillant doivent se hâter sans jamais pour autant confondre vitesse et précipitation. Car « Rien ne sert de courir, il faut partir à point » enseignait La Fontaine, dans ses fables, à ses contemporains. Quelle belle maxime pour ceux d’entre nous qui veulent servir de pasteurs à d’autres.

L’autre semaine, sans doute soucieux d’aiguillonner ses compatriotes au travail, comme la mouche du coche, le colonel a décrété, tout seul, de nouveaux horaires de travail.  Au grand dam des partenaires sociaux ainsi moqués, frustrés, amers.

Même Toto a dû écarquiller les yeux en entendant ces horaires imposés aux travailleurs au moment même où le paradigme qui surfe sur l’air du temps est le dialogue inclusif.

Bon sang, pourquoi donc le Président de la Transition et les siens qui ne jurent plus que par le dialogue inclusif ont-ils pris un acte dont la portée sociale crève l’œil sans en discuter, autant que faire se peut, avec ceux auquel il nuit ou profite ?

Que leur aurait-il coûté d’organiser une table ronde, une sorte de Grenelle Tropicale avec les syndicats pour aboutir à des mesures consensuelles, même boiteuses, permettant aux parties prenantes de sauver la face, le cas échéant. 

En occultant les autres, par mépris ou par méfiance, le pouvoir les a poussés à la récrimination et à la contestation des décisions édictées par ceux qui gouvernent. C’est donc vent debout que les syndicats ont contesté les nouveaux horaires de travail et envisagé de recourir, le cas échéant, à leur arme favorite et efficace, la grève.

Intelligemment, mais peut être aussi par goût de la tactique militaire (l’habitude n’est-elle pas une seconde nature ?), le Colonel n’a pas voulu de bras de fer pour ne pas ouvrir inutilement un nouveau front. Loin s’en faut. Il s’est aussitôt ravisé et d’une chiquenaude, ila jeté les premières mesures aux orties. Il vaut mieux parfois être roseau que chêne. L’ouragan vous épargnera. La flexibilité dont a fait montre Doum-bouillant a coupé l’herbe sous les pieds des syndicaleux. Et renvoyé sine die l’épreuve de force qui semblait inévitable.

Si seulement pareil choix tactique pouvait ne plus l’abandonner, le locataire du Palais Mohamed V, parviendrait, à n’en pas douter, à faire de la notion du dialogue « un comportement et non un vain mot ». Il persuaderait alors politiciens, activistes de la société civile et Tutti quanti, de se retrouver sous l’arbre à palabre pour débattre des questions d’intérêt national qu’elles soient politiques, sociales, sécuritaires, ethniques,… Sans tabou. 

Il n’y a aucun problème aucun conflit sans solution qui oppose les Guinéens les uns des autres. Les problèmes ethno-stratégiques ? Ils sont certes épineux, délicats, insolubles en apparence, mais les relations socio-culturelles et d’alliances entre les ethnies sont si imbriquées qu’aucune ethnie ne peut survivre en autarcie.

L’interdépendance est la condition sine qua non de leur survie, de leur coexistence ad vitam aeternam. Ce qui n’est possible que dans un contexte de concertations récurrentes et de convivialité.

Abraham Kayoko Doré