Le procès du présumé meurtrier de Thierno Mamadou Diallo a démarré ce 30 janvier, au tribunal de première instance de Dixinn. Adjudant-chef Moriba Camara, inculpé pour «meurtre», plaide non coupable.

Il est la première victime de l’ère CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement). Thierno Mamadou Diallo, jeune élève de 19 ans, a été abattu par balle le 1er juin 2022, au quartier Hamdallaye, dans la commune de Ratoma. C’était en marge des protestations contre l’augmentation des prix des produits pétroliers. Rapidement, les soupçons ont tourné vers des agents de la Brigade anti-criminalité numéro 1 (BAC n°1), en patrouille dans la zone. Le parquet général près la Cour d’appel de Conakry a interpellé cinq personnes dont un certain Moriba Camara, Adjudant-chef de la police, accusé d’être l’auteur du tir fatal. Il a été inculpé et placé sous mandat de dépôt le 13 juin 2022. Ses compagnons, eux, placés sous contrôle judiciaire, avant de bénéficier d’un non-lieu.

Le procès de Moriba Camara s’est ouvert ce lundi 30 janvier devant le tribunal criminel de Dixinn. L’accusé a réfuté l’accusation articulée contre lui. Il reconnaît plutôt avoir fait partie de la patrouille dans la zone, avoir fait des tirs de sommation, mais loin du secteur où Thierno Mamadou Diallo a été tué : «Moi, je n’ai pas tiré là où le jeune est décédé. J’ai entendu dire qu’il a trouvé la mort dans un cyber, mais jusque-là où je suis, je ne connais même pas les lieux. Ce n’est pas moi qui l’ai tué », a-t-il affirmé à la barre.

« Nous avons été attaqués »

Ce 1er juin 2022, selon les explications de l’accusé, ses collègues et lui étaient à Bambéto. La hiérarchie leur aurait donné l’ordre de patrouiller sur la route Leprince «jonchée de barricades». Les accrochages avec les manifestants auraient commencé en face de la galerie Mari-fala. La Brigade anti-criminalité, ne disposant pas d’armes conventionnelles, a ouvert le feu : «Nous avons tous fait des tirs de sommation. Ils se sont dispersés, nous avons dégagé les barricades », explique l’Adjudant-chef Moriba Camara. Les choses se seraient corsées à Hamdallaye-Prince où un groupe de manifestants «armés de gourdins, de pierres et de machettes» s’était  massé : « Nous avons été attaqués, j’ai été atteint par deux projectiles, l’un sur mon pied et l’autre sur mon casque ». C’est là que Moriba a décidé d’ouvrir le feu : «J’ai vu un manifestant venir vers moi avec une machette, je me suis senti en danger, j’ai fait deux tirs de sommation en l’air».

Sa version n’emporte l’adhésion ni du ministère public ni de la partie civile. Ceux-ci se sont employés à démontrer que les tirs de l’adjudant-chef ont tué Thierno Mamadou Diallo. D’autant plus qu’il a reconnu être le seul qui a tiré à Hamdallaye : «Votre véhicule était à 5 mètres du groupe de jeunes. Vous avez été envahis par la peur et la panique, vous avez décidé d’ouvrir le feu ». L’accusé rétorque qu’ils étaient en danger : « On était exposés, c’est pourquoi j’ai tiré en l’air. Une balle tirée en l’air ne peut jamais tuer quelqu’un ». L’accusé dit d’ailleurs avoir dirigé ses tirs de sommation vers le côté opposé du lieu du crime. Moriba Camara se dit convaincu que le jeune a été tué par quelqu’un d’autre. Selon lui, une patrouille mixte (police, gendarmerie, BAC, armée de terre, armée de l’air), qui était dotée des mêmes armes et munitions, sillonnait la zone et faisait les mêmes tirs.

Moriba Camara et son avocat dénoncent le travail fait par le juge d’instruction et la police scientifique. Ils leur reprochent d’avoir fait le transport judiciaire et la perquisition sans le mis en cause.

L’affaire est renvoyée au 13 février prochain, pour la suite des débats.

Yacine Diallo