«L’opposition guinéenne est la plus bête d’Afrique,» affirmait avec force feu Jean-Marie Doré, farouche opposant d’alors au système Conté. «L’opposition ivoirienne est la plus stupide d’Afrique,» débine l’homme de culture de la Lagune Ébrié, Zadi Zaourou. Sous le règne de Félix Houphouët Boigny. Quelque 35 ans après, ce flot de superlatifs de mauvais goût est loin de tarir. Et pour cause ! En 2023, plus d’un Guinéen se demande si l’opposition actuelle ne passe pas pour la plus confusionniste d’Afrique. Sa section française manifeste ce 14 septembre à Paris. La citation sera un peu longue pour planter le décor. Merci pour votre indulgence.

 «La coordination du Rpg arc-en-ciel d’Europe, l’Anad et le Mouvement contre les coups d’État en Afrique comptent manifester le 14 janvier, pendant cinq heures, Place de la République, à Paris… C’est une grande manifestation, la troisième…pour dénoncer tout ce qui se passe en Guinée sous le régime militaire, comme oppression ; attirer l’attention de la communauté internationale, mettre la pression, pour un retour immédiat à l’ordre constitutionnel. Ce n’est pas seulement pour la libération des cadres du Rpg arc-en-ciel, c’est aussi pour la libération de tous les détenus politiques injustement emprisonnés, pour le retour de tous les exilés politiques, notamment Sidya Touré (Ufr), Cellou Dalein Diallo (Ufdg), Alpha Condé (Rpg.)» Tout un programme…tragi-comique, entre amalgame, confusion, incompréhension. Le monde à l’envers.

Loin de moi de condamner les manifestations pacifiques, l’expression citoyenne du mécontentement populaire. D’où qu’il vienne. Naïf à souhait, je ne vois pas comment réunir le RPG et l’ANAD, donc l’UFDG et ses alliés, pour dénoncer tout ce qui se passe en Guinée sous le régime militaire comme oppression… Pour une fois, l’union ne fait pas la force. Il est troublant de voir les opprimés d’hier s’allier avec leurs anciens oppresseurs pour lutter contre la junte. Celle-ci revêt forcément le manteau double de l’oppresseur – libérateur. Comment se peut-il qu’une Place, fût-elle de la République, accueille simultanément, un jour de janvier 2023, les manifestants et contre manifestants d’avant le 5 septembre 2021 ?

Si la junte a réussi cet exploit, c’est probablement qu’elle a mis de côté tout le chapitre IV de sa propre Charte pour retomber dans la pire interprétation du concept de « manifestation. » Comme les régimes précédents, elle a cru bon de « s’attaquer aux manifestants, non à la cause de la manifestation. » N’est-ce pas cette junte qui a libéré le siège de l’UFDG pour que le RPG puisse y participer à des réunions conjointes ? Dites-moi, sous le règne du RPG, qui était l’oppresseur ? Qui était l’opprimé ? Comment oppresseurs et opprimés peuvent-ils occuper la même rue et ensemble « combattre l’oppression ? » La justice, qu’est-ce au juste ?

Si les Guinéens avaient appris le latin, ce 14 janvier 2023 leur aurait offert la meilleure occasion de le perdre. Bien sûr, faut-il attirer son attention sur le retour à l’ordre constitutionnel, mais la communauté internationale n’avait-elle pas entériné le désordre constitutionnel de 2020 ? Que doit-on apprendre à la CEDEAO ou à l’Union africaine ? Quant à la libération des détenus et au retour des exilés, c’est un panier à crabes. Tout simplement.

Diallo Souleymane