Il y a une résonance singulière quand on entend le nom « Pelé ». Ceux qui ont eu l’outrecuidance de se surnommer « Pelé » ne l’ont pas porté avec succès. Ce sont les autres qui le donnent à quelqu’un pour qu’il le porte. Si le nom du Brésil est connu dans tout le monde, c’est en partie grâce à Pelé et en autre, grâce au café. Les hommes de ma génération ne peuvent pas voir l’équipe du Brésil, de jadis à naguère jusqu’à notre temps, ne peuvent s’empêcher de se remémorer l’image de ce footballeur parfait, qui a incontestablement marqué son temps de façon indélébile, mais il n’est pas le meilleur de tous les temps, c’est léger, et c’est se moquer du temps. La polémique revient entre Maradona et Pelé pour ceux qui ont des superlatifs à bas prix.
Dans sa première biographie, éditée en 1976 « Ma vie et ce jeu merveilleux », de mémoire, on a retenu quelques particularités dans cette vie : La mère de Pelé n’aime pas le football, elle voit les gens qui courent et se disputent un ballon comme des voyous, bizarre, la vioque Céleste, qui a pourtant vu et tombé amoureuse d’un footballeur raté qui s’est ensuite cassé une jambe. Lui, Edson, c’est son nom à la maison, devait faire tous les petits travaux de maison avant de pouvoir aller jouer avec les autres avec son petit frère dont il avait la garde, et qui le gênait. Comme c’est lui qui savait confectionner un ballon en chaussettes, les autres venaient l’aider à parquer le bois chaque semaine, sa mère vendait le bois de chauffe pour soutenir la famille. Quand il entendit son nom parmi les sélectionnés de l’équipe nationale, son père était aux anges, mais avait eu des appréhensions pour sa jeunesse (16 ans), sa mère était indifférente. Elle n’a jamais regardé un match de son fils en direct, elle avait des craintes noires que ce qui était arrivé à son père ne lui arrivât.
Ce n’est pas le cas de M’Bappé ?
D’ailleurs, Pelé avait critiqué les journalistes français qui prononçaient mal certains noms. Son village natal s’appelle Bauru (Baourou et non Boru). L’orthographe du nom M’Bappé aussi est sujette à discussion. Le fait d’écrire MBappé sans l’apostrophe, les gars de la presse française prononcent « Embappé) comme ils prononcent le nom de Coman pour Comanne).C’est ce Coman qui a chipé le ballon à Messi lors de la finale pour offrir l’égalisation à M’Bappé.
En Guinée, il y avait un Kalaban, qui a joué en Angleterre. Les journalistes anglais l’appelaient « Kalabanne », les journalistes français ont mimé leurs collègues d’outre-Manche, et lui, Kalaban, a aussi fini aussi par s’appeler « Kalabanne ».
Faut-il un cours d’onomastique, à tout ce monde ?
Beaucoup avaient critiqué le départ de Pelé de Santos pour le New York Cosmos, mais ce n’était pour un coup de tête, c’est que Pelé, en piètre investisseur, avait ses sous dans l’immobilier et était tombé en banqueroute malgré l’opposition de sa femme. Même quand la faillite fut consommée, Pelé insiste à dire qu’elle ne lui a même pas dit : « Je t’avais dit ».
Un autre détail important sur son 1000ème but. Selon Edson, à 999 buts, son compteur fut bloqué. Il n’arrivait pas à le marquer, ce satané millième but après plusieurs matchs. Le défenseur des Corinthians de Sao Paolo… (son nom est dans un trou de mémoire), est tombé sur lui comme une charrette de briques, selon ses propres propos, pénalty ! Pelé avait juré de ne plus jamais tirer un pénalty dans sa vie, parce qu’il avait raté un pénalty déterminant avec Santos quand il n’était qu’un môme. C’est avec le cœur palpitant qu’il prit le ballon et tire à ras de sol, le gardien de but plonge et l’effleure. But.
Le 1000ème but de Pelé était un pénalty. Si la mémoire tient encore, c’était en 1972. Quelqu’un a aussi exécuté le gardien argentin Emiliano aux pénaltys…
Après avoir remporté la coupe du monde de Suède en 58, Pelé a retenu qu’il fallait être dans des protocoles fastidieux à répondre à des interviews, à écouter des discours creux des officiels qui voulaient s’en servir à d’autres fins, alors qu’il tombait de sommeil et de fatigue comme D’Artagnan, qui avait apporté les ferrets de diamants d’Anne d’Autriche, que Lady de Winter avait coupés, au Duc de Buckingham. Quand le Duc eut fini avec le bijoutier pour remplacer à l’identique les ferrets manquants, il lui demanda : Maintenant, jeune homme, qu’est-ce je vous dois pour votre récompense ? d’Artagnan avait répondu niaisement : un lit. Lui aussi était presque mort de fatigue. Lui aussi était dans la tranche d’âge de Pelé…
Maintenant, Pelé et Maradona appartiennent à la postérité, la polémique va-t-elle continuer ?
On a entendu Neymar dire que Pelé est le meilleur de l’Histoire, il a ses raisons. Entre Maradona et Pelé il y avait eu un tiraillement de leur vivant. Pour Pelé, c’est Neymar le meilleur joueur. Pour Maradona, c’est Messi.
Quant à Ronaldinho, son meilleur joueur de l’histoire est Ronaldo el Fenomeno. Doit-on rappeler à Ronaldihno que son maître à jouer fut Okocha, c’est ce dernier que l’a inspiré quand ils étaient ensemble au PSG ? Il y a des joueurs qui servent de tremplin à d’autres qui, une fois qu’ils ont atteint le sommet oublient sciemment celui qui les a inspirés. Quand Raonadinho était au PSG avec OKocha, il n’avait pas le registre qu’il a montré une fois au Barça, où il a, à son tour, mis sur orbite Lionel Messi. D’un certain avis, le maître à jouer de Messi fut Ronaldinho, et le maître de Ronaldinho fut Okocha. Question de feeling !
Quant à Ronaldo le gros, c’était un joueur exceptionnel. On a deux détails intéressants sur lui. Quand il est arrivé au Barça, les entrainements étaient tels qu’un jour, il était venu chercher Stoïkovitch, le canonnier, qu’il avait pris pour référence et maître pour aller à l’entrainement. Stoïkovitch était un tire-au-flanc, il voulait dormir ce jour, il dit à Ronaldo que le coach a décrété ce jour férié et repos. Sans se référer, El Fenomeno est allé dormir. Sanction : amende de 5 000 euros à ou combien, là à chacun. Mais Stoikovitch a décidé de payer pour lui.
En 2002, quand on a abusivement privé Thierry Henri du Ballon d’or de cette année, à la rigueur à Roberto Carlos pour le décerner à Ronaldo, scandalisé, on avait publié dans le journal L’Indépendant : Le ballon doré de Ronaldo, mon grand et illustre ami Pathé Diallo y avait violemment réagi à la RKS : « Le Ballon d’or ! Le ballon d’Or ! ». Pathé était si fâché qu’il m’avait traité même « d’ennemi de Lansana Conté ». Le fair-play n’était pas son fort. Pourtant, c’est lui qui m’avait encouragé à écrire dans les journaux, c’est lui encore qui avait donné le micro à Amadou Diouldé Diallo, mais bon… Ainsi va la vie.
Ce qui nous ramène au super ballon d’or qui doit être décerné prochainement, mais à qui ? Entre le talent à l’état pur et le charisme, l’on peut se confondre. Attendons de voir.
Trois jours de deuil au Brésil pour Pelé, c’est tout pour l’une des plus belles pages de l’histoire de football vient de se refermer, que peut-on jamais faire pour Edson Arantes Do Nacimento el Rei ? En tout cas, il a marqué notre jeunesse et a permis à beaucoup de rêver, et surtout d’aimer le football, « ce jeu merveilleux ». Dors en paix pour l’éternité, el Rei.
Moïse Sidibé