Les Guinéens viennent de vivre à leur grand étonnement, une tempête de courriers dans un studio de radiotélévision. Le 9 février, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright, a demandé au pro-crieur général près la cour d’appel de Conakry, de poursuivre Mohamed Mara, journaliste, et Lamine Guirassy, « représentant légal » de Hadafo Média « pour des faits présumés de diffamation et d’injures. » Adossés sur toute la chaine pénale, ses conseillers l’ont laissé ouvrir « la porte de la perdition. » Il s’y engouffre galamment. Par courrier interposé.

 Tout le monde écrit. Personne ne prend la peine de relire, encore moins de réfléchir. La missive ministérielle sort du cabinet de M. Charles Wright avec un faux contenu, pour un faux destinataire. Au lieu d’une plainte contre Guirassy et Mara, le ministre signe des « injonctions aux fins de poursuites judiciaires » à l’adresse du patron de la cour d’appel de Conakry. Personne pour lui rappeler que « diffamations et injures » ont eu pour théâtre d’opérations un studio de radiodiffusion bien climatisé ! Si on avait attrapé Mohamed Mara en flagrant manque d’éducation envers la personne du Garde des Sceaux, au marché Sogbè de Kankan, on aurait mieux compris l’orientation de l’affaire vers le code de procédure pénale qui sanctionne aussi pareils manquements. Mais il a précisé lui-même que « s’il est de principe que la liberté d’expression et celle de la presse constituent les socles de l’État de droit, cependant, elles doivent s’exercer dans le respect de l’éthique, de la déontologie, de la dignité humaine et des droits de la personne (conformément à l’article premier de la loi organique L# 2010 # 02 # CNT du 22 juin 2010 portant sur la liberté de la presse ).

 Il est inquiétant de constater qu’aucun conseiller, aucun confident, aucune voix, aucun doigt ne se sont levés pour signaler fraternellement, amicalement, à monsieur Charles Wright que tout ministre qu’il est, il s’est trompé, à la fois dans fond et dans la forme. Sa lettre d’injonctions a été dactylographiée et expédiée au procureur général près la cour d’appel de Conakry pour poursuivre Mohamed Mara et Lamine Guirassy avec le code pénal. Ce n’est pas parce qu’un citoyen est ministre qu’il n’a plus droit à l’honneur et à la considération. On le sait. Même s’il est difficile de percevoir toute la complexité de la vie privée d’un homme public.

Ce n’est pas parce que le ministre est au service de tous qu’il a droit de vie ou de mort sur tout. La loi sur la liberté de la presse ne lui permet pas de faire appel à des articles 363, 364 et 366 alors qu’elle n’en compte pas plus de 148.  Comme l’a souligné le syndicat de la presse, le ministre doit écrire sa propre plainte, qu’il signe de sa main. Le procureur de la République fera le reste.  Ainsi, le service de réception de Hadafo Media connaîtra moins d’engorgement, moins de harcèlement.

Heureusement que le 21 février Charles Wright « a retiré sa plainte contre Mohamed Mara et Lamine Guirassy pour diffamation et injure ». Il aurait dû citer Guirassy avant Mara, la loi sur la liberté de la presse faisant de celui-ci le complice, de celui-là, l’accusé principal. Dieu merci, les inquiétudes sont dissipées. Ça marche à merveille. C’est le b+a=ba des objectifs de la presse.

Diallo Souleymane