Après sa tournée dans la région de Faranah, le Premier ministre, Bernard Goumou, a fait le compte rendu de sa mission au cours d’un point de presse qu’il a animé le mardi 21 février à Kaloum. Selon lui, le constat est plutôt alarmant. Il a décrit la défaillance de l’Etat, surtout dans la gestion des contrats de construction des infrastructures et le suivi des travaux.

Bernard Goumou a expliqué que l’objectif de sa tournée est de prendre toute la mesure des réalités du terrain dans le cadre du suivi et, si nécessaire, de l’évaluation des projets infrastructurels publics, en vue de prendre des mesures idoines pour les faire avancer. « Le chef de l’État a fait de la réalisation des infrastructures publiques, une priorité, son véritable cheval de bataille. La région de Faranah est la deuxième étape de visite de terrain après celle de Boké (…) Nous avons vérifié l’exécution des chantiers publics en cours sur le terrain. Nous avons vérifié le respect des spécificités contractuelles sur le terrain, le respect des délais contractuels. Et enfin, nous avons pris quelques mesures idoines pour débloquer des projets qui étaient en souffrance. »

Des chantiers en souffrance

A Faranah, le Premier ministre a indiqué qu’il a visité 17 chantiers très importants. Seulement voilà, le constat est alarmant. « J’ai eu mon premier choc sur la route Mamou – Faranah. Rien n’est fait dans le cadre du contrat des travaux d’urgence de la réhabilitation et de la construction de cette route. Pourtant, deux entreprises ont bénéficié des avances de démarrage des travaux. Mais aucun dispositif en place, absence totale de base vie, pas une seule machine sur le terrain. Le projet d’extension de l’hôpital régional de Faranah est à l’arrêt depuis cinq mois, par manque de financements ». Ce qui est aussi écœurant, dit le Premier ministre, dans les projets à l’intérieur du pays, les autorités locales, notamment les gouverneurs, les préfets, les sous-préfets ne sont au courant de rien. Même que les contrats sont attribués à des entreprises à Conakry. Elles font ce qu’elles veulent, sans aucune tutelle sur place pour assurer le minimum de suivi des chantiers.

Dinguiraye

« Par exemple, à Dinguiraye, je me suis rendu sur le chantier de réhabilitation d’une route de 63 km, dans la commune rurale de Lansanaya – Gagnakaly. Pour une durée contractuelle de sept mois, une avance de démarrage de 20% payée depuis plus d’un an, le niveau de réalisation des travaux sur le terrain n’est que 5%. Il est à noter que les informations fournies par les entreprises qui sont parvenues à démarrer un projet ne concordent pas avec les réalités sur le terrain. Le cas frappant, c’est le cas de l’hôtel des finances publiques de Faranah. C’est vraiment un exemple édifiant. Le taux de réalisation physique réel sur le terrain, 33%, taux validé consigné dans les rapports de missions, 58%, le taux de décaissement est de 60%, une aberration totale. A Kissidougou, plusieurs chantiers connaissent un important retard. Le chantier de construction, par exemple, du tribunal de première instance, le chantier de l’église St Louis de Kissidougou où nous avons accordé trois mois supplémentaires sur le champ, à l’entrepreneur. Ce chantier qui était signé pour 17 semaines, traîne depuis 2019 ».

De la route Kissidougou-Kankan

Le Premier ministre dit avoir été interpellé par la notabilité de Kissidougou par rapport au projet de construction de la route Kissidougou–Kankan, attribué à la société EBOMAF d’alors. « Un projet qui porte sur 194 km, lancé en juin 2014, pour une durée d’exécution de 12 mois, puis prolongé en septembre 2015, pour une durée d’exécution de 38 mois. Des paiements importants, des avances de trésoreries ont été consenties en faveur de cette entreprise et décaissées, pas moins de 60 millions d’euros. Mais à ce jour, il n’a pas été possible pour le ministère de tutelle de retracer les paiements effectués, à travers la chaîne de paiement ».

Dabola

Au cours de cette conférence, le PM a évoqué la situation du barrage hydroélectrique de Tinkisso qui alimente les villes de Dabola, Dinguiraye et Faranah, en électricité et en eau potable. « Je me suis rendu sur les installations. La retenue d’eau est remplie de sable et de boue. Il faut très rapidement la curer. Le gouvernement, par le biais du ministère en charge de l’énergie et sur instruction du chef de l’État va intervenir dans les mois à venir, pour maintenir la production de ce barrage opérationnel depuis 1974. Mais, il convient de s’interroger de la responsabilité de nos sociétés publiques d’État : la SEG et l’EDG qui exploitent ce barrage et qui ne sont pas en mesure de le curer. Il faut toujours l’intervention de l’État… » Et de poursuivre : « La cité Niger de Faranah, très bel ouvrage, mais c’est un serpent de mer qui a besoin d’un avenant pour rendre cette infrastructure disponible. »

Le projet du village durable de Banko (Dabola) est aussi « dans la prolongation de trois mois de contrat, bien avant notre arrivée », précise le PM.

Des mesures

Le Premier ministre, Bernard Goumou, affirme que tous les manquements ne seront pas impunis. « Vous savez tout ce qui se passe, c’est contractuel. Et dans les contrats, il y a des articles qui sont bien mentionnés. Quand il y a défaillance, on fait recours et les juridictions qui peuvent être saisies vont l’être. C’est pourquoi j’ai dit, que sous l’autorité du président du CNRD, du chef de l’Etat, le Colonel Mamadi Doumbouya, une importante opération de vérification des critères d’attribution et de gestion des contrats sera tout de suite mise en branle ».  Bernard Goumou annonce que tous ces contrats sont à revoir. « Nous avons, au sein de l’Etat, des organismes de contrôle. Nous allons réunir tous ces éléments et comme vous le savez, nous avons des organes judiciaires bien spécifiques, et au moment venu, vous serez mis au courant. Ce que je peux vous rassurer, c’est que l’agent public ne doit pas rester impuni. »

Mamadou Adama Diallo