Le règne du pro-fossoyeur a été marqué par des manifestations de protestation jamais vues dans l’histoire de la Guinée. Ces expressions de colère ont connu plusieurs dénominations selon que l’on est du gouvernement, de l’opposition, citoyen lambda ou des opportunistes. Le gouvernement parle d’insurrection populaire pour charger les auteurs des manifs. Ces derniers clament que leurs manifestations sont pacifiques. L’homme de la rue nomme grève toute contestation du pouvoir en place. En référence à la grève historique de janvier et de février 2007. Pour les partisans le jour et opposants le soir, manifester signifie envoyer les enfants à l’abattoir.

Comme on le voit, chacun définit à sa façon la manifestation en Guinée. La dernière catégorie, fabriquée par le pro-fossoyeur pour museler la vraie opposition, estime que les manifestations n’ont jamais rien donné en Guinée. Ironie de l’histoire, l’ancien parti au pouvoir qui diabolisait les manifestations exhorte à manifester. Malheureusement pour lui, alors qu’il souhaite que ses militants descendent désormais dans la rue, la plupart de ces derniers ont changé de veste, ils se sont mis au service du CNRD. Pour eux, il n’y a pas de raison que la recette qui a fait ses preuves hier ne soit pas efficace aujourd’hui encore. Il s’agirait donc de décourager les citoyens à manifester.

Mais il faut être naïf ou de mauvaise foi pour croire ou faire croire que manifester, c’est envoyer les enfants à l’abattoir. Nul ne le conteste, les manifestations ont fait trop de victimes en Guinée. Si un organe indépendant pouvait faire une étude pour produire un document avec le nombre exhaustif de victimes des manifs politiques depuis le début des années 90, ce nombre serait effroyable.

Sous la révolution, le mot manifester n’existait pas dans le vocabulaire politique guinéen. Sous Conté et Condé les manifs ont mené beaucoup de jeunes au cimetière. Thierno Ousmane Diallo tué la semaine dernière à Hamdallaye, dit que le décompte macabre n’est pas fini. La promesse du CNRD de ne plus verser le sang du guinéen est un vœu pieu.

Dans ces conditions, organiser une manifestation dans ce pays peut paraître audacieux voire cynique. A chaque manifestation, une famille pleure un des siens. D’où les religieux n’ont pas eu grand peine à dissuader les Forces vives de maintenir leurs manifs. A ce train-là, il arrivera un jour où personne ne prendra la responsabilité d’organiser une manifestation en Guinée. Au lieu qu’on exige que les gâchettes faciles soient arrêtés, jugés et condamnés, on exhorte les organisateurs à renoncer à leur droit, on tord le cou à la loi pour sa poche, en prétendant sauver des vies humaines.

Aucun Guinéen ne peut affirmer avec objectivité, neutralité et impartialité que les manifestations n’ont rien donné. Il a fallu l’ultime sacrifice du 28 septembre 2009 pour que le pouvoir change de main l’année qui a suivi. Avec le pro-fossoyeur, le pays connu l’alternance, mais ni la démocratie ni l’Etat de droit.

Sans les manifestations monstres de janvier et février 2007, notre pays n’aurait jamais eu le tandem de Lansana à sa tête. Ce qui fait que Lansana Kou-raté déniant efficacité et utilité aux manifs pour le changement, profane les tombes de ceux qui l’ont imposé comme Premier ministre par la rue.

L’utilité et l’efficacité des manifestations n’est pas à démontrer. C’est grâce à elles que tous les changements opérés ici et là ont été obtenus. Ce que l’on pourrait en revanche contester, c’est le motif pour lequel on manifeste, les manifs n’auront abouti qu’à déshabiller Paul pour habiller Pierre. Qu’elle soit organisée par la classe politique ou par la société civile, une manifestation exige toujours le départ des uns et l’arrivée des autres. Pour les partis politiques l’objectif est clairement la conquête du pouvoir. Pour la société civile le plus souvent l’objectif est inavoué. La société civile ça fait la courte échelle.  

Habib Yembering Diallo