Programmée pour le 9 mars, la manifestation-test de l’opposition est reportée au 15 mars.  Pour permettre aux religieux de mieux manœuvrer, au CNRD de mieux respirer, à la classe politique de mieux se diviser, à la démocratie de mieux s’engourdir, au pays de mieux stagner, au peuple de moins comprendre.

Rien de sérieux ne justifie le report d’une marche pacifique. Nulle autorité ne saurait l’interdire, n’étant soumise qu’à une information en lieu et place d’une autorisation. En en vue d’un déroulement sans heurt, tout le long de l’itinéraire officiel. L’organisation d’une marche ne s’apparente pas à un jeu, encore moins à un jeu de maux. Les autorités communales concernées ne doivent y ajouter que caution, respect, oreille attentive. Une marche de protestation ne s’adosse qu’à la liberté et au droit reconnus à l’homme de s’exprimer. Elle marque un progrès singulier dans l’évolution humaine, face aux autres espèces, animale et végétale. Aussi, l’Homme s’est-il imposé chartes, constitutions et que sais-je encore pour pérenniser le vivre ensemble. Le dire, l’écrire, le chanter sur tous les toits relèvent quelque peu de La Palice. Si par mégarde, le CNRD oublie les clauses de ses propres textes fondamentaux, il revient aux autorités communales de Matoto, de Dixinn et de Kaloum de lui rappeler que « nul n’est censé obéir à un ordre manifestement illégal. » Personne ne parlera de rébellion. Au contraire !

Comment « la démocratie guinéenne » a-t-elle réussi à interdire une marche denature politique, pompeusement appelée pacifique ?  Les causes sont certainement multiples, les moins visibles tiennent de la nature même « des gouvernances démocratiques » qui ont modelé notre pensée unique depuis le départ du méchant colon. Nous nous sommes laissés faire très tôt. Par la ruse, la fourberie, la peur, la démagogie, la lâcheté, nous avons laissé le PDG mettre toutes nos têtes sous le même bonnet. Nous avons accepté que, méthodiquement, l’unicité remplace l’unité.  Que le sens de la différence foute le camp. Suivi du bon sens. Tout le monde s’est voulu chef partiel du Parti-État. Personne ne s’est rendu compte que seule marchait la tête du vrai chef. A l’envers. Pour quasiment un quart de siècle. L’État et le peuple ont laissé faire, sous l’œil indolent d’une nation chimérique.

Arrive le Général Lansana Conté en avril 1984. Il confesse : « Moi, je ne connais pas, faites ce qui est bon pour le pays. » Patatras, personne ne connait ce qui est bon pour le pays !  L’accent est aussitôt mis sur ce qui est bon pour soi-même. Sérieusement. Un quart de siècle encore, la porte ne s’ouvre pas, pour parler comme Enrico Macias. Surgit Dadis pour rappeler que la Guinée n’est pas une sous-préfecture de la France. Sékouba le jette dehors pour passer le marché au plus bruyant des candidats en lice. Il se trompe d’acquéreur. Le sorbonnard se révèle marchand de tapis. Démocratie et bonne gouvernance continuent de faire grise-mine. Apparemment, pour une autre éternité.

Le 5 septembre 2021, le pays doum-bouillonne, chauffé à blanc par le premier coup d’État de son existence tumultueuse. Colonel Mama…dit : « Président, tu es arrêté. Pour cause de déficit …démocratique !» On l’applaudit à tout rompre, plus que d’habitude. Dix-huit mois à peine, il perd l’excellente chance de s’autoévaluer, de réussir, à l’œil, son premier test humain, démocratique et politique, grandeur nature. Il interdit une marche « pacifique. »  Dommage !

Diallo Souleymane