Après plus d’un an d’interruption, le procès des présumés bourreaux d’El Hadj Abdourahmane Diallo dit El Hadj Doura Bindy a repris au tribunal de première instance de Dixinn. Le 24 avril, l’accusé Oumar Barry était à la barre. Il plaide coupable.

Oumar Barry est un ancien membre de la garde présidentielle sous le général Lansana Conté. Il est radié des effectifs de l’armée à cause de ses agissements peu orthodoxes. Au moment de l’enlèvement d’El Hadj Doura, il était le chef d’un secteur à Maférinyah (Forécariah). Il reconnaît avoir participé au rapt de l’opérateur économique le 5 décembre 2018, à Hamdallaye. Oumar Barry explique qu’il a été impliqué dans cette affaire par les deux présumés cerveaux, El Hadj Mamadou Diallo et le nommé Ibro (en fuite). Tout a commencé, selon lui, lorsqu’El Hadj Mamdou Diallo et Ibro, en partance pour la Sierra-Léone, ont eu une panne devant son domicile à Maférinyah. Il les aurait aidés à trouver un mécanicien. A partir de là, le contact serait maintenu. Oumar Barry aurait même aidé Ibro à avoir une concession au kilomètre66, à Maférinyah : « Il m’a dit qu’il avait des Chinois qui devaient y loger». C’est dans cette concession que la victime a finalement rendu l’âme. Ils ont continué à se fréquenter : « Jusqu’à ce qu’un jour, ils sont allés me chercher à domicile, on est venus à Conakry, à Taouyah. Nous avons mangé et bu de l’alcool. On a dormi dans un motel à Nongo ». C’est de là qu’El Hadj Mamadou Diallo aurait réveillé Oumar Barry ver 5h du matin, lui annonçant  que son père est tombé malade, de se transporter immédiatement sur les lieux : « Arrivés à Bambéto, il m’a dit de garer, deux personnes, des étrangers sont montées, les deux et El Hadj parlaient anglais. Nous sommes arrivés à Hamdallaye, je suis  resté dans le véhicule, ils sont allés prendre le vieux. Nous l’avons transporté à Sonfonia (..)» S’il reconnait avoir été sur les lieux de l’enlèvement, Oumar Barry nie cependant avoir été mis au courant des manigances de ses amis : «C’est le jour du décès du vieux qu’on m’a dit qu’il était kidnappé pour de l’argent», soutient-il à la barre.

A l’enquête préliminaire tout comme devant le juge d’instruction, Oumar Barry aurait déclaré qu’il était bien au courant du projet d’enlèvement d’El Hadj Doura. Il aurait reconnu être allé sur les lieux avec son ami Amadou Sacko, lui aussi, policier et qu’Ibro et Tony Akpa y étaient pour monter le guet-apens : « Je n’ai jamais dit cela», jure l’accusé. Pourtant, comme à l’enlèvement, Oumar Barry a participé à l’enterrement d’El Hadj Doura : « J’ai été surpris, quelques jours plus tard, de voir El Hadj Mamadou Diallo chez moi. Il me dit de lui trouver du vin de palme. A peine on commence à consommer le vin, il me dit qu’Ibro aussi est chez moi. Nous sommes allés, Ibro nous dit de le trouver dans la maison que j’ai louée pour lui». Oumar Barry et El Hadj Mamadou Diallo s’y rendent rapidement : « Je vois le vieux allongé, El Hadj me dit : ‘’C’est lui qu’on avait pris à Hamdallaye’’. Je dis : ‘’Ton père ?’’ Il dit : ‘’Non, nous l’avons enlevé pour de l’argent, mais il est mort’’. Je ne savais pas quoi faire».  Ils décident alors de se débarrasser du corps nuitamment, sans toilette ni prière funèbre : « El Hadj me dit :‘’Si on ne l’enterre pas la nuit-là, on te laisse le corps’’. On est allé l’enfuir au bord d’un fleuve».

Tony Akpa contredit Oumar Barry

Tony Akpa, de nationalité nigériane, est un peintre. Il alterne avec la peinture avec le taxi-moto. Il est le premier à être interpellé dans cette affaire, du fait de sa proximité avec le présumé cerveau, El Hadj Mamadou Diallo. Il reconnait être allé à Hamdallaye le jour de l’enlèvement, mais dit ignorer le projet. Il accuse son ami, El hadj Mamadou Diallo de l’avoir mis dans le pétrin : « Il m’a appelé à 5h du matin, m’a supplié de transporter son ami Ibro à Hamdallaye. J’ai déposé ce dernier devant une cour, il m’a dit de l’attendre. Je les ai vus prendre un vieux et le mettre dans une BMW. Ibro est revenu me dire de l’amener à Sonfonia. Dès qu’on est arrivés, j’ai revu la même voiture». Il reconnait aussi avoir vu la victime dans la concession de Sonfonia : « Il était assis dans une chambre qui ressemblait à la chambre d’un féticheur. El Hadj Mamadou Diallo ne voulait même pas que j’y entre. Il m’a remis 20 000 francs guinéens et m’a dit de quitter, qu’il allait me rappeler».

Dans sa déposition, Oumar Barry a déclaré qu’Amadou Sacko n’a pas participé à l’opération. El Hadj Mamadou Diallo a lui aussi déclaré qu’il n’a fait que récupérer l’argent de la rançon. Faux, selon Tony Akpa : « Je connais combien de fois c’est difficile pour moi d’être en prison, mais je vais dire la vérité. A Hamdallaye, j’ai vu Oumar Barry, Amdou Sacko, Zimbabwé, El Hadj Mamoudou et Ibro. Ils étaient dans la BMW». Tony Akpa accuse El Hadj Mamadou Diallo de l’avoir trahi : « Il m’a trompé, si je savais qu’on y allait pour un enlèvement, j’aurais refusé, je les aurais dénoncé parce que je connais les conséquences. Vous ne pouvez pas imaginer combien de fois j’ai été torturé dans cette affaire, alors que je ne connais rien ».

L’affaire est renvoyée au 22 mai prochain pour la suite des débats. Ce renvoi a fâché certains accusés. Ils ne comprennent pas comment le tribunal peut renvoyer à une date «aussi lointaine» une affaire déjà jugée, en phase des plaidoiries et réquisitions en 2022, avant que les changements dans les différentes juridictions n’interviennent. «Ils ne sont pas les seuls accusés programmés. Qu’ils souffrent de voir d’autres accusés se défendre», réagit l’avocat de la partie civile.

Yacine Diallo