Les incendies dits criminels ravagent fréquemment des hectares de plantations d’anacardiers, d’ananas et de palmiers à Coyah, Kindia, Forécariah et Boké, notamment. Sur les réseaux sociaux, nombreuses personnes disent en être victimes, à l’appui de photos, vidéos et quelquefois des témoignages.

Le 21 avril, le ministre de l’Agriculture et de l’élevage, Mamoudou Nagnalen Barry, a écrit sur Facebook que la plupart des incendies de plantations ne sont pas criminels. «Certes, notre pays a connu des incendies criminels de plantation dans le passé. Il y a aussi des incendies non criminels qui consument des boutiques, villages et plantations. Depuis l’avènement du CNRD au pouvoir, et ma nomination au poste de ministre de l’Agriculture et de l’Elevage, la majorité, sinon la totalité des incendies dits “criminels” publiés sur les réseaux sociaux sont fakes, irréels, imaginaires et apatrides. Ils salissent inutilement l’image de notre pays et décourageant certains investisseurs. Un des cas qui a fait le tour d’Afrique concernait un jeune qui aurait été victime il y a 4 ans, dont on a recyclé les images, pendant que, grâce à un appui de l’Etat, il a repris ses activités il y a un an, en toute sécurité.»

Mamoudou Nagnalen Barry a déclaré que ce sont trois cas d’incendie qui sont portés à son attention depuis qu’il gère le ministère. Selon lui, deux cas étaient accidentels, le troisième, rien qu’une «arnaque». «Le cas de notre frère Singleton (chanteur) ne ressemblait pas à un acte criminel, et la victime n’a pas voulu porter plainte.»

Poursuites judicaires abandonnées

A en croire le ministre de l’Agriculture, le cas le plus connu est celui d’une dame qui aurait été deux fois victime à Kindia. «Il s’est avéré être une arnaque la deuxième fois, quand j’ai déployé les équipes pour identifier les voies et moyens pour l’aider. Pour la première fois, j’avais demandé son contact pour l’appeler, mais je n’ai pas eu de suite. Comme je sais que ce n’est généralement pas vrai, je n’ai pas insisté. La deuxième fois, grâce à un journaliste, j’ai eu son contact. Je l’ai immédiatement appelée. Elle n’arrêtait pas de pleurer à cause des pertes estimées à cinquante millions de francs guinéens. J’ai appelé mon inspecteur général afin de mobiliser les ressources et lui trouver un domaine sur un site sécurisé.» Sauf que, poursuit-il, la dame aurait fait des déclarations «incohérentes. Le ministère et la fédération des producteurs d’ananas se sont rendus à son champ, pour constater s’il y avait eu de nouvel incendie comme elle prétendait. Pire, elle avait multiplié par dix la superficie qui aurait été incendiée en février. J’ai voulu la poursuivre pour tentative d’escroquerie, mais les sages ont demandé de la laisser présenter ses excuses et que j’abandonne les poursuites. Ce qui fut fait.»

Mamoudou Nagnalen Barry invite les uns et les autres à stopper de véhiculer  «des nouvelles non vérifiées. On a l’impression que certains sont contents quand les mauvaises nouvelles arrivent à leur propre pays. Or, nous n’avons rien à y gagner.» Et d’ajouter : «Nous sommes disponibles à accompagner dans la mesure du possible toutes les victimes d’incendies criminels pour les poursuites judiciaires, ainsi que pour se relancer dans un mécanisme de prêt sans intérêt.»

«Qu’il arrête de nous dénigrer »

Fatoumata Chérif Diallo, victime d’incendie en janvier dernier à Kindia : «On a fait une déclaration, mais il n’y a pas eu de suite. Je ne vais plus intervenir là-dessus. Les propos du ministre, je ne les commente pas.»

Un hectare de champ d’ananas appartenant à Idrissa Kaba a été consumé en février 2022 à  Kindia. Pour lui, la sortie du ministre Mamoudou Nagnalen Barry est inopportune, ratée. «Je ne peux me permettre d’investir dans l’agriculture et après mettre le feu dans mon propre champ. Si le ministre ne veut pas accompagner les planteurs d’ananas, on le comprend, mais qu’il ne nous dénigre pas, qu’il ne décourage pas les entrepreneurs agricoles. Ce n’est pas du tout normal.» Et de poursuivre : «On a entamé des démarches, nous les victimes d’incendie. Le ministre nous a invitées à Conakry, il nous a fait des promesses. Il nous a indiqué que l’Etat allait nous accompagner, que le Président de la Transition était peiné de notre situation. On a constitué un collectif à leur demande, mais jusqu’à présent, on ne voit rien.»

Yaya Doumbouya