Morte, l’ex-Première Dame fait plus parler d’elle que vivante. Durant les onze années de pouvoir d’Alpha Grimpeur, elle a vécu éloignée de son époux et des affaires. Une vie de couple qui a alimenté débat et fantasme dans l’opinion nationale. Certes les deux apparaissaient ensemble certaines fois en public. A travers les activités de sa fondation Prosmi, Djénè Kaba entretenait son statut de Première Dame. On l’a vue battre campagne pour le troisième mandat controversé de son époux à la présidentielle d’octobre 2020.

Hormis cela, la dame de nature réservée et humble est restée en retrait. Elle se morfondait en sa résidence de Dixinn Landréah. Son mari vivait au Palais Sékhoutouréya. Les deux conjoints n’ont pas cohabité, comme tout couple lambda a l’obligation de le faire. Ils s’étaient mariés sombrement, religieusement à la veille de la présidentielle de 2010. Comme si, divorcé depuis des années, Alpha Grimpeur voulait juste éviter d’accéder au pouvoir célibataire. La suite n’aura pas démenti cette thèse. Selon un proche collaborateur, l’ex-président n’a jamais voulu mêler sa famille à la gestion du pouvoir. Une manière d’éviter les scénarios de certains pays comme la Côte d’Ivoire sous Laurent et Simone Gbagbo ; le Zimbabwe de l’ère Robert et Grace Mugabe…

Cinq mois après son installation, Alpha Grimpeur a vite mis les poings sur les ires. « Je sais que la famille est le talon d’Achille de beaucoup de chefs d’État. Aussi, ai-je décidé, tous les Guinéens l’ont remarqué, que mon épouse vive dans un autre domicile que le mien. Elle est de Kankan, fief de nombreux gros commerçants malinkés, qui, tout naturellement, viennent lui rendre visite. Je ne veux pas que l’on dise que j’ai remplacé les commerçants peuls par des commerçants malinkés que je recevrais en catimini », martelait-il dans une interview publiée en mai 2011 par Jeune Afrique. « J’ai interdit à mon épouse de faire de la politique et des affaires. Le jour où elle m’apportera un dossier de faveur, je divorcerai sur-le-champ », ajoutait-il.

Alpha Grimpeur, en 2015, confie à son ex-femme Mama Kanny Diallo le mystère du Plan et du développement économique dans le gouvernement Youla. Des langues fourchues disent que les deux anciens tourtereaux s’étaient remis ensemble. D’autres jurent, la main sur le palpitant, que son allié Oussou Koutchioun Bah de l’UPR lui avait donné la main d’une autre nounou de Maci (Pita). Mais le père de Mohamed, fils unique, était plus uni à la politique qu’aux femmes.

Il aura fallu la mort de Djénè Kaba pour voir l’ex-président revendiquer son statut de mari et intimer la junte de Mamadi Doum-bouillant, qui l’a renversé, de se tenir à l’écart des obsèques. Son successeur est passé outre. Il a accueilli la dépouille de l’ex-Première Dame, le 14 avril, il lui a rendu un dernier hommage le lendemain à l’aéro-hangar Ahmed Sékou Tyran de Cona-cris, et cap sur Kankan pour l’inhumation. Alpha Grimpeur voulait que le corps transite par Istanbul où il est exilé avant de rallier Kankan par la route, via Bamako.

« Est-ce que tu aimais maman ? », n’a pas manqué d’interroger Gnalen Kaba, une des enfants de Djénè née d’un premier mariage dans un entretien téléphonique, avec son beau-père, qui a fuité.  La réponse est connue. Sous la junte, l’ex-Première Dame a fait l’objet de poursuite judiciaire à l’instar de la plupart des barons de l’ancien régime. Elle a également perdu la gestion du Jardin du 2 Octobre, siège de sa fondation. Autant croire que les agissements aussi bien d’Alpha Grimpeur que de Mamadi Doum-bouillant sont dictés non pas par les sentiments mais par les intérêts politiques. Chacun prêche pour sa chapelle. Une nouvelle fois, le jeune a pris le dessus sur le vieux.

Diawo Labboyah