En Guinée, le niveau de l’inflation calculé chaque mois par l’Institut National des Statistiques (INS) est souvent en décalage avec la réalité. Ce décalage entre le taux d’inflation officiel et la perception de certains Guinéens instille le doute dans l’esprit, à bon nombre d’entre eux sont persuadés que l’inflation est sous-estimée. A observer le nouveau dispositif de l’INS, l’on se rend compte que les moyens mis en œuvre pour calculer l’inflation sont pourtant très robustes. A date, l’Indice National Harmonisé des Prix à la Consommation (INHPC), en vigueur depuis 2022, a pour population de référence l’ensemble des ménages africains des régions administratives : Conakry, Kindia, Boké, Faranah, Kankan, Labé, Mamou et N’Zérékoré. Le panier considéré, comprend 615 variétés suivies dans 5 619 points de vente au niveau national. Au total c’est 14.522 relevés qui sont effectués chaque mois. La période de base de ce nouvel indice est l’année 2019 et les pondérations utilisées proviennent de l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM) réalisée en 2019 (NDLR INS).

A observer ces chiffres, l’on se rend compte d’une évolution notable dans l’évaluation de l’inflation en Guinée car avant l’avènement de l’INHPC (refonte très salutaire), l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC) utilisé jusqu’en juillet 2022, comprenait plutôt 312 variétés suivies dans 364 points d’observations. Au total, c’est 3.207 relevés de prix qui étaient effectués chaque mois par les enquêteurs de l’INS avec pour période de base l’année 2002 et des pondérations provenant de l’Enquête Intégrée de Base pour l’Evaluation de la Pauvreté (EIBEP) réalisée en 2002/2003 auprès de plus de 7.612 ménages. 

En dépit de ce constat,il est toujours un fait qui dérange dans cette nouvelle approche de la réalité économique du pays. Il s’agit de la pondération adossée au logement, eau, électricité et gaz qui ne représentent qu’environ 5% des dépenses de consommation (sauf erreur ou omission de notre part). Cette pondération a de quoi hérisser les locataires qui consacrent une part bien plus importante de leur budget au loyer. Le poids de cette composante sur le panier de consommation de l’INS n’a pas été déterminé au hasard. La seule explication plausible de cette situation serait la proportion des Guinéens propriétaires de leur propre habitation donc, ne payant pas de loyer (donnée inconnue à notre niveau). A notre humble avis, il est très difficile d’évaluer une telle donnée avec exactitude surtout que rien n’est encore maitrisé dans ce secteur en dépit de tous les efforts fournis.   

Autre reproche à cette nouvelle méthodologie : l’absence de précision sur la prise en compte de l’effet qualité dans sa mesure de l’inflation des produits numériques notamment des services de communication ou des produits de santé. A cela s’ajoute la faible pondération attribuée surtout à la communication qui ne représente que 6,4% des dépenses de consommation des ménages. Ce qui nous paraît tout de même extrêmement faible surtout que les pass internet et autres unités d’appels vocaux finissent plus vite que prévu. 

Il faut aussi rappeler que l’inflation mesurée par l’INS se réfère à un panier de biens de consommation moyenne. Cela ne peut en aucun cas refléter la réalité, mais cela n’est pas qu’à la Guinée, les nations développées sont confrontées à cette situation.

En dépit de nos critiques antérieures, l’INHPC ne tient pas compte de l’incidence du secteur immobilier (achats terrain, matériel/matériaux de construction etc.) dans les dépenses des ménages quoi que considérés parfois comme étant des dépenses d’investissement car, il accroît le patrimoine des ménages contrairement à un bien consommé, le logement ne disparaît pas avec son utilisation. 

Enfin, chaque consommateur adapte sa structure de consommation en fonction de ses habitudes et de son budget. Tous les guinéens n’ont donc pas le même ressenti de l’inflation. Pour preuve, ceux qui construisent, donc qui achètent des matériaux de construction subissent une hausse des prix bien plus marquée que ceux qui n’achètent que des denrées alimentaires d’un mois à l’autre. Raison pour laquelle, nous devons avoir un simulateur sur le site internet de l’INS afin de permettre à chaque Guinéen de calculer son propre indice des prix en fonction de ses habitudes de consommation…

Safayiou Diallo

Économiste