Le 3 mai, la Guinée, fidèle à la tradition, a fêté la journée internationale de la liberté de la presse, au diapason des pays civilisés de la planète. Tout s’est bien passé, excepté le tourbillon bien compréhensible qui secoue actuellement le mystère de l’Information et sa RTG chérie. Comme d’habitude, Reporters Sans Frontières en a profité pour dévoiler son classement mondial.

Pendant que la Norvège occupe le sommet de la pyramide pour la 7è année consécutive, la Corée du Nord tire tranquillement la queue. RSF estime la situation « très grave » dans 31 pays, « difficile, » dans 42 autres, « problématique » dans 55 États répressifs, et j’en passe. On ne sait pas trop comment l’Asie s’est débrouillée pour se retrouver dans « le  trio de la fin », composé du Vietnam ( 178è), de la Chine (179è) et de la Corée du Nord ( 180è),  que pilote le Camarade  Kim Jong Un, le Responsable suprême d’une république populaire, incontestablement démocratique. Le pays de l’Oncle Sam, le berceau de la démocratie, lui, ne perd que 3 places, pour occuper  le 45è rang. Son éternelle coépouse, la Russie, se retrouve au 164è rang, avec une dégringolade de 9 places.

Christophe Deloire, le patron de l’Institution, constate que « l’édition 2023 met en lumière les effets fulgurants de l’industrie du simulacre dans l’écosystème numérique sur la liberté de la presse. Dans 118 pays, soit les deux tiers des pays évalués par le Classement, la majorité des répondants au questionnaire signalent une implication des acteurs politiques de leur pays dans les campagnes de désinformation massive ou de propagande; de manière régulière ou systématique. La différence s’estompe entre le vrai et le faux, le réel et l’artificiel, les faits et les artefacts, mettant en péril le droit à l’information. Les capacités de manipulation inédites sont utilisées pour fragiliser celles et ceux qui incarnent le journalisme de qualité, en même temps qu’elles affaiblissent le journalisme lui-même. »

On peut aussi constater quelques bizarreries apparentes mais bien compréhensibles au niveau de la sous région ouest-africaine. Dans le classement 2023, la Guinée « n’a perdu » qu’un point pour se hisser au 85è rang, alors que le Sénégal a préféré en lâcher 31 pour se contenter de la 104è place sur les 180 disponibles.  Le paradoxe n’est qu’apparent malgré la vitalité de nos confrères du pays de la Teranga. Tout ou presque, se joue au plan institutionnel où la Guinée semble avoir pris une longueur d’avance sur le Sénégal. Paradoxalement.

Avant l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir en 2010, le pays avait eu le temps et la chance  d’assainir l’essentiel de son paysage médiatique. Aussi, le recul évident de la liberté de la presse s’apparente-t-il davantage  au dysfonctionnement de la justice qu’à celui des médias. Vous l’aurez remarqué, on manifeste à travers le monde pour la libération d’un journaliste sénégalais alors qu’il est illégal de jeter son confrère guinéen en prison. Nos problèmes sont ailleurs, à peine visibles à l’œil nu.

Diallo Souleymane