Les statistiques ne l’établissent pas clairement, mais très peu de Guinéens peuvent se targuer de faire le plein de leur réservoir, par les temps qui courent. Les pompistes peuvent l’attester. Il n’en est pas de même pour certaines de nos institutions, la justice notamment. Elle a réussi à faire le plein de plaintes en peu de temps. Du citoyen lambda aux anciens bagnards, personne ne semble capable d’endiguer la vague de CRIEFs qui envahit nos tribunaux. Le ministre de la Justice, Garde des Sots, vient de recevoir sa part, expédiée par le FNDC que Mory Condé, le ministre l’Admiration du Trottoir, avait égorgé par dissolution depuis le 9 août 2022. Apparemment, le couteau n’était pas aussi tranchant que le laissaient croire la signature et le cachet sur le communiqué nécrologique. Tout un art.

L’acteur le plus décrié de la symphonie politico-judiciaire est un jeune chanteur originaire de la Guinée-Forestière, Jacques Gbignamou Haba, alias Jack Woumpack. Dans une vidéo devenue virale, il dénie aux Peulhs le droit de diriger la Guinée. Le 9 juin, Charles Wright marque son désaccord, il demande à Dame Thémis de casser le rythme du maître-chanteur. Un artiste ne doit pas dire ça. Par l’article 37 du code de procédure pénale, Woumpack est mis aux arrêts. Il a certainement constitué des avocats pour décoder la procédure et banaliser l’affaire. Juste pour coller à la réalité ambiante.

Pourtant, Jack Woumpack n’a pas tiré sa chanson du néant. Il arrive à nos lois de faire de l’ethnocentrisme un crime de lèche-majesté. L’égalité des chances est consacrée jusqu’à la clôture du scrutin. Du dépouillement à la proclamation des résultats, on peut toujours se débrouiller pour étouffer l’alternance, grosse d’instabilité, d’incertitudes, de trouble à l’ordre établi et que sais-je encore.

Du fond de sa cellule, Jack Woumpack aura tout le loisir d’évaluer le double visage de la plupart de ses compatriotes, aujourd’hui muets comme une carpe face à l’arrestation d’un artiste qui ne fait que son devoir. Il avait dû écouter comme eux, les ministres « forestiers » d’Alpha Condé, expliquer avec force pédagogie, les divers contours « du péril peul » qui menace la Guinée en général, la Guinée-Forestière en particulier. Prolixes à souhait, ces Excellences sont encore blotties dans leurs salons là-bas, les yeux et les oreilles rivés sur la CRIEF.

Manipulateur hors pair, Alpha avait grimpé sur des complicités inimaginables pour faciliter la transhumance d’éleveurs maliens vers la Guinée-Forestière. Les conflits habituels n’ont pas tardé entre « agriculteurs et éleveurs. » Bonjour les dégâts ! Comme par hasard, chaque fois que la justice est saisie, les Maliens ont raison. Ils se font payer au prix fort, les animaux, abattus par les autochtones. Qu’est-ce que les pauvres paysans de Beyla, Kissidougou, Macenta ou N’Zérékoré n’ont pas revendu pour échapper à la prison ou en sortir ? 

Pour le citoyen lambda qui a vécu ces événements, la conclusion tombe d’elle-même : les enseignements des émissaires d’Alpha relèvent d’une vérité d’évangile. Le péril peul n’est pas une fiction. Le pouvoir entre les mains de ces gens-là signera la mort de l’agriculture en Forêt. Et Jacques Haba se leva. Le pauvre !

Diallo Souleymane