L’adjudant-chef Ibrahima Baldé était de nouveau devant le tribunal criminel de Dixinn le 31 juillet. L’audience a tourné court, les parties civiles hésitent encore à se présenter, pour faire leur déposition.

Le procès d’Ibrahima Baldé peine à se poursuivre. Le gendarme, inculpé pour «meurtre, atteinte à la vie, coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner» pour avoir usé d’une arme létale dans un théâtre de maintien d’ordre, le 20 octobre 2022, a déjà donné sa version des faits. Il nie toute intention d’attenter à la vie d’un quelconque manifestant. Il justifie son acte par la « présence d’un individu en possession d’un pistolet de calibre 12 dans la foule et la volonté de protéger (son) chef hiérarchique».

Depuis sa déposition, le tribunal cherche à entendre les parties civiles constituées dans l’affaire. Sans succès. Elles étaient encore attendues le 31 juillet pour expliquer les circonstances dans lesquelles les leurs ont été fauchés. Mais elles ont, une nouvelle fois, fait faux bond, au grand dam de leur avocat, Me Thierno Souleymane Baldé : «J’avoue que les parties civiles sont très sceptiques. Elles habitent en haute banlieue de Conakry, il y en a parmi elles qui vendent pour nourrir leur famille. Même ce matin, une des parties civiles m’a dit au téléphone qu’elle était en train de vendre ses charbons. Nous cherchons à les convaincre, mais c’est difficile».

L’avocat sollicite un ultime renvoi pour lui permettre de persuader ces parties civiles de la nécessité de se présenter. Le ministère public proteste : «Nous voudrions bien les entendre, mais c’est la troisième fois que les parties civiles sont absentes. Cela devient un problème». L’avocat de la défense, lui, s’interroge sur la nécessité de les entendre : «Ces gens-là ont parlé devant le juge d’instruction. Ils sont convaincus qu’adjudant-chef Ibrahima Baldé n’est pas le meurtrier de leurs fils. Qu’on nous permette d’évoluer dans ce dossier». L’avocat de la partie civile de rétorquer : « Nous savons que les deux autres victimes ne sont pas du fait d’adjudant-chef Ibrahima Baldé. Elles sont décédées, loin du lieu où il a utilisé son arme. Mais celle de Bambéto a été touchée non loin de là où Ibrahima Baldé a tiré». Me Joseph Sovogui demande au tribunal de passer outre la comparution des parties civiles et d’ordonner les plaidoiries et réquisitions.

Me Thierno Souleymane Baldé s’oppose, il sollicite la comparution des supérieurs hiérarchiques de l’accusé : «S’ils ne peuvent pas venir témoigner, nous ne voyons pas l’utilité de plaider cette affaire. Cela ne servira à rien. J’ai appris que son commandant d’unité (lieutenant Aboubacar Keïta, ndlr) est en formation, mais son adjoint peut venir».

La défense rappelle qu’Ibrahima Baldé avait déjà dit au tribunal qu’il n’avait reçu de ses chefs aucun ordre d’ouvrir le feu. Il affirme avoir agi de son propre chef. Me Sovogui sollicite alors sa mise en liberté, en attendant que les parties civiles se décident. «Cette demande est inopportune», déclare le substitut du procureur, Mamadou Hady Diallo.

Le juge rejette la demande et renvoie l’affaire au 9 octobre prochain, pour la comparution des parties civiles, les plaidoiries et les réquisitions.

Yacine Diallo