Coucou, le revoilà à la barre de la Cour criminelle de Cona-crime, plus impétueux, plus incisif, plus offensif ! Des mois après ses premières auditions par la même Cour, le capitaine Marcel Guilavogui est revenu devant les magistrats pour contribuer à la manifestation de la vérité, avoir bonne conscience, alléger la souffrance mentale du bon peuple. Carpe hier, pie désormais.

Muet lors de la première comparution, Marcel a maintenant la parole abondante, de la verve. Il se défend de son mutisme assourdissant d’il y a encore huit mois. S’il avait desserré les dents, à l’époque, il serait passé de vie à trépas, dit-il, tant était forte la haine dont il faisait l’objet et savamment ourdi le complot qui l’étreignait, la félonie dans laquelle il était empêtré. Il dit que revenir à la barre et y dire la vérité, plutôt sa vérité, soulage sa conscience, lave son honneur, restitue sa dignité.

Pour convaincre Dame Thémis et les Guinéens, il inaugure son show par des prières et des incantations lomas, l’évocation des esprits, des divinités de la fratrie qui protègent les bonnes âmes, flétrissent celles qui flirtent avec Satan. Là, le capitaine a mimé le Commandant. On se souvient que le Commandant Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba, tout le long de son audition, encensait l’auditoire de longs versets du coran pour soutenir les propos relatifs à sa probité morale, son intrépidité, sa religiosité. Ses déclamations en la matière lui avaient attiré la sympathie des uns et l’antipathie des autres. Toto les aurait sans aucun doute confondus à un Dadishow.

L’audition de Marcel et de Tiégboro-bara a eu lieu bien avant celles des autres accusés. Or, le passage de Toumba, Blaise et El Dadis qui ont été les vedettes du procès et fait les choux gras de la presse a marqué les esprits. Dans l’ignorance des propos et des attitudes des autres accusés qui les suivraient, à la barre, Marcel s’était-il tu par calcul (stratégie militaire, selon lui) ou frilosité ou hypocrisie ? A l’époque, on le considérait comme chérubin du capitaine El Dadis auquel ses propos étaient plutôt favorables. Ce qui n’est plus le cas. Car le « neveu social » considère que « l’oncle social » est un félon qui ne lui a pas concédé les privilèges requis par la qualité de sa participation à l’accès au pouvoir d’El Dadis, en décembre 2008 et qui n’a pas non plus eu le courage d’assumer ses responsabilités dans les évènements du 28 septembre 2009. Le soldat en est amer, dépité. Il veut faire rendre gorge à son ex-mentor !

En tout cas, après trois jours d’audition, on n’a pas encore clairement entendu les vérités de Marcel, dans cette affaire. Comme la mouche du coche, il charge et recharge El Dadis, Tiégboro-bara et consorts. On attend, on est patient. Marcel ne peut pas revenir devant les magistrats pour amuser la galerie. Le 29 septembre 2009, il y a eu des morts, des violées, des blessés et des destructions massives de biens publics et privés. Les Guinéens veulent savoir. Comme jusque-là tout le monde se débine, on attend de Marcel Guilavogui, encore plus de vérité : qui a tué, pourquoi ? Si les accusés vont à hue et dia dans la relation des faits, ils font chorus dans la simulation.

Abraham Kayoko Doré