La semaine dernière, Boffa, préfecture située à 150 kilomètres nord-ouest de Cona-cris dans la région de Boké, donnait l’image de l’axe Hamdallaye-Bambéto-Cosa. Avec le même mode opératoire, ou presque, les jeunes de la localité ont érigé des barricades et brûlé des pneus. Seule différence : ici les revendications ne sont pas politiques, mais économiques. Et même électriques. Pendant plusieurs jours il y avait de l’électricité dans l’air.

En réponse à cette revendication, les autorités ont répondu comme à Bambéto par le bâton. Plusieurs blessés par balles dont trois grièvement. Vu la détermination des jeunes, les princes qui goubernement leur ont tendu la carotte, en promettant d’examiner et de satisfaire leurs revendications. En attendant, un calme précaire règne dans la localité.

Durant la décennie de son règne, le pro-fossoyeur avait multiplié les partenaires, la région avait été morcelée au mètre carré près comme un gâteau à des « investisseurs » de tout acabit. Désormais les multinationales rivalisent dans l’exploitation et l’exportation. Ce qui n’est pas sans conséquences économiques et écologiques.

L’aménagement des ports minéraliers a éloigné les poissons des côtes dans une région où la population vit principalement de la pêche artisanale. L’exploitation de la bauxite n’a pas causé moins de dégâts. Les arbres fruitiers ne produisent plus comme avant. Les terres cultivables s’amenuisent. Le Rio Pongo, fleuve symbolique et mythique de Boffa, est pollué.

A l’exploitation abusive de la bauxite, tous les ingrédients sont réunis pour une exposition sociale, pareille à celle de la semaine passée. Malgré la présence massive des sociétés minières, le chômage bat son plein. Les jeunes voient leurs richesses, leur filer sous le nez alors que leurs conditions de vie vont de mal en pis.

Si une manifestation d’une telle ampleur est une première à Boffa, en revanche le reste de la région est confrontée à des récurrents mouvements d’humeur. La raison de cette colère populaire est toujours la même : la région, déclarée zone économique du pays, manque de tout, notamment les services sociaux de base.

A Fria, Kamsar, Sangarédi, deux mondes que tout oppose cohabitent : « la cité » et « le village ». A Fria la différence est moins criante. A part les immeubles, rien ne distingue la cité du reste de la ville. A Kamsar, à Sangarédi, il y a la cité et le village. D’aucuns parlent d’Apartheid. D’un côté des cités modernes et de l’autre des townships dont la misère crève les yeux.

A l’instar des jeunes de Kolaboui et de Kamsar, les jeunes de Boffa revendiquent le minimum. A Kamsar, la « cité », le courant électrique 24h sur 24, le « village », de 19h à 00h, dans le meilleur des cas. Les jeunes de Kamsar et la population en général ont qualifié cette différence de discriminatoire. Multipliant les manifestations qui empêchaient le train minéralier d’acheminer la bauxite de Sangarédi vers le port de Kamsar. Ce qui obligea la CBG à mettre fin à la fourniture discriminatoire de l’électricité. Depuis, la cité est calme.

Le moins que l’on puisse dire est que les autorités doivent mettre fin au paradoxe de Boké. Qui fait que la région est l’une des plus riches du point de vue des ressources du sol avec les populations les plus pauvres. Petite illustration, Boké occupe la 7ème place derrière Mamou et avant Faranah, en termes de construction.

Habib Yembering Diallo