Le jeudi 28 septembre, l’Association des victimes, parents et amis du massacre du 28 septembre 2009 (AVIPA) et l’Organisation guinéenne des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) ont inauguré le Centre des survivantes des victimes de viol et de violence sexuelle dans la sous-préfecture de Moribaya, (Forécariah). Les deux Ong marquent ainsi la commémoration du 14ème anniversaire des tueries au 28 stade critique, le 28 septembre 2009.

Accompagnées de leurs partenaires Global Survivors Fund et la Fondation Denis Mukwege de la RDC, les responsables ont indiqué que le centre prend la charge psychologique, sanitaire et financière des survivantes et toutes autres victimes de violence sexuelle. Les ambassadeurs de la France, du Japon, de l’Union Européenne et d’autres défenseurs des droits de l’Homme ont participé à la cérémonie. Asmaou Diallo, la prési de l’AVIPA, a expliqué que le centre vise à garantir aux survivantes des violences sexuelles perpétrées au stade du 28 septembre en 2009, à la réparation intérimaire individuelle et collective. Selon elle, le projet s’efforce également de faire en sorte que le procès lié à ces évènements longtemps retardé ait enfin lieu et qu’une politique nationale de réparation soit adoptée. « Au total, 158 survivantes ont été identifiées dont 5 aujourd’hui à l’étranger et 10 décédées », avant de préciser que le processus d’identification a révélé une valeur réparatrice quand les survivantes ont pu s’exprimer librement et participer véritablement à la mise en œuvre du projet. « Toutes les survivantes identifiées ont reçu le premier des trois versements auxquels elles auront droit sur une période d’un an. Certaines ont utilisé cet argent pour acheter une parcelle de terre à cultiver, une moto taxi ou une pirogue ou construire ou finir de construire leur propre maison. De nombreuses survivantes ont consacré une partie de cette réparation intérimaire à l’éducation de leurs enfants et beaucoup d’autres ont décidé d’investir une partie de leur argent dans une tontine.  Il existe un mécanisme par lequel les survivantes mettent en commun leur économie pour une période donnée et partagent les dividendes avec les autres survivantes à l’échéance. Les survivantes ont aussi bénéficié d’un soutien individuel fourni par l’équipe du projet, un programme de formation d’un an dispensé par Wakkili entrepreneur du monde pour accompagner la création d’un plan de subvention individuelle. Les besoins médicaux urgents, tels que les soins de fistule ont également été identifiés ». Et de poursuivre : « Un livre de mémoire basé sur leurs propres témoignages et les photos qu’elles ont prises d’elles-mêmes a été publié. »

Mme Asmaou Diallo, la présidente de l’AVIPA

Denis Dingemons, directrice exécutive de Global  Survivors Fund, a rappelé qu’en 2018, des femmes toutes victimes des violences liées au conflit, représentantes de 25 pays, se sont réunies à La Haye, au Pays-Bas, pour décider sur la priorité pour leur combat international contre la violence sexuelle liée au conflit. « A l’unanimité, elles ont choisi le terme réparation.  Elles disaient que c’est quelque chose qu’elles n’ont jamais eu. La réparation leur permet de reconstruire leur vie qui a été souvent complètement détruite. Néanmoins, l’aspect de reconnaissance est très important dans la vie d’une survivante ».  La dirlote de Global Survivors Fund dit que la construction du Centre est le premier projet pour tester la réparation. Elle a magnifié le courage des victimes qui se battent pour lutter contre la stigmatisation et affrontent, avec courage, leurs bourreaux devant les tribunaux. C’est pourquoi, pour Denis Digémons,  le procès du massacre du 28 septembre 2009 qui a démarré doit absolument continuer, pour se terminer par un jugement exemplaire. « Ce centre, c’est pour ne pas oublier, mais c’est aussi pour agir ensemble, être solidaire des victimes des violences sexuelles et des violences basées sur le genre », a-t-elle martelé.

Complainte et plaidoyer des victimes

Rougui Barry, porte-voix des victimes, a rappelé que le 28 septembre 2009 est un jour qui restera dans la mémoire collective guinéenne, comme l’un des plus sombres de son histoire. « Le jour de cet évènement tragique, de nombreuses femmes ont été la cible de violence sexuelle barbare commise en toute impunité. Les conséquences dévastatrices ont suivi (MST, grossesse non désirée, stigmatisation, rejet). 80% des victimes ont contracté des MST notamment le VIH, 30% de ces femmes ont aujourd’hui des fistules, plusieurs sont tombées enceintes et ont donné naissance à des enfants aujourd’hui ostracisés par la société. Nous avons subi une double peine. D’abord le traumatisme des violences sexuelles, ensuite le rejet par nos proches et la communauté. Aujourd’hui, nous demandons réparation et nous souhaitons une prise en charge médicale immédiate. Les victimes doivent recevoir des soins adaptés notamment pour les MST et le traumatisme psychologique ».

Selon Rougui Barry, depuis 2009, une trentaine de femmes sont décédées suite à des maladies ou différentes séquelles issues des violences. C’est pourquoi, elle demande un soutien psycho-social et communautaire. « La mise en place d’un programme pour nous aider à surmonter le traumatisme et nous réintégrer dans la société. Certes, le travail réalisé par l’AVIPA et ses partenaires n’est pas à négliger, mais nous sommes nombreuses à être dans le besoin et nous sollicitons un constant accompagnement. Nous voulons une reconnaissance et une éducation. Il est essentiel de mener des campagnes pour sensibiliser les populations sur nos sorts et le sort de nos enfants, dépolitiser et faire comprendre à la Guinée que ce n’est pas une communauté ou un groupe politique qui a été victime mais toute la Guinée, afin de briser la stigmatisation et favoriser notre insertion. Nous voulons une réparation financière. Nous souhaitons avoir une compensation et elle peut être de plusieurs formes. Une assistance médicale psychologique, mais aussi financière pour compenser la perte d’opportunité et de souffrance subies ». Pour cela, plaide Rougui Barry, le fonds de réparation devrait être établi maintenant et non après la fin du procès du 28 septembre 2009.

Ibn Adama