Mardi 31 octobre, l’opération de déguerpissement des emprises publiques, relancée par la junte en fin de semaine dernière, s’est poursuivie à Kaloum, centre administratif et des affaires. Kiosques, boutiques, garages, cafétérias ont été cassés. Des maisons aussi, mais partiellement.

En Conseil des ministres le 27 octobre, Mamadi Doumbouya, le Président de la Transition, a donné « des instructions fermes » aux ministres de l’Habitat, de la Sécurité et de l’Administration du territoire, pour « procéder aux déguerpissements aussi longtemps que les gens reviendront sur les lieux. » La raison invoquée : les voies nouvellement bitumées « commencent à être encombrées par des garages de fortune, des commerçants, etc.»

Dès lundi 30 octobre, les engins démolisseurs, accompagnés d’une équipe mixte (policiers et de gendarmes), sont entrés en action au quartier Boulbinet, le long de la corniche sud, à quelques pas de la Présidence. Là, des maisons ont été démolies, partiellement. Le salon et la véranda de Mme Kaba Mamadama Sylla ont été cassés. Sous le soleil, elle et ses enfants improvisent un abri de fortune. « On n’a rien pu faire. Mes fauteuils, mon congélateur, mes bols sont gâtés. Nous vivons dans la tristesse. Ils ont coché notre maison le samedi dernier ; lundi, les machines ont tout détruit. Ils nous font vraiment du tort. Je supplie l’Etat de nous venir en aide, c’est très dur. Tu construis une maison durant des années, on la démolit en un jour. »

Les déçus de Mamadi Doumbouya

Kony Sylla, écaille des poissons, sous un parasol. La véranda de sa maison a été réduite en gravats. « Ce qui nous arrive est pitoyable. Nous n’avons plus où aller, rien à manger, mon mari est décédé, nous avons en charge les enfants et leur scolarité. Mamadi Doumbouya est au pouvoir, nous l’applaudissons chaque fois qu’il sort. La corniche, c’est sa route, il faut qu’il règle les problèmes de la corniche. Il y a beaucoup de tristesse ici. »

Sa voisine, Fatou Sylla, déclare être déçue du Président Mamadi Doumbouya. « On pensait qu’il était le sauveur, mais là, on est complètement déçus. Nous vivons avec lui à Boulbinet, pensant qu’on est au même niveau, mais ce n’est pas le cas. On lui demande de reconstruire nos maisons. »

Fodé Youla, propriétaire de maison, admet que c’est normal de dégager les emprises publiques, mais regrette la façon de procéder. « Ils ont cassé au-delà des limites. Mais nous, on ne peut rien. Si quelqu’un me fait du mal, je me remets à Dieu. Pourquoi ne casse-t-on pas à la Casse ou à la SIG-Madina ? » Déjà, Fodé Youla a engagé un maçon pour reconstruire le mur de sa véranda.

Tombo aussi

Au quartier Tombo, à l’entrée de Kaloum, une chargeuse sur pneus et une pelleteuse ronronnent. Là aussi, maisons et boutiques ont été partiellement cassées. Kaba Traoré, directeur général du BMS (Boutiquesd’appareils numériques et accessoires) : «C’est normal d’assainir. On m’a accordé 24 heures pour plier bagages. Si j’ai failli à la loi, je suis obligé de quitter. Si les autorités décident que les choses s’améliorent, je ne peux que me réjouir. Mais, on n’accepte pas l’injustice. C’est-à-dire, déguerpir les uns et laisser les autres. »

« Tout dans le cadre de la loi »

Abou Kourouma, le chef section urbanisme opérationnel à la Direction nationale d’aménagement du territoire et de l’urbanisme, précise que le déguerpissement concerne les rues et boulevards de Kaloum. « Par le passé, on avait fait marquage et dégagement, mais les gens sont revenus. Le gouvernement nous instruit de dégager tous les encombrants physiques le long des voies publiques de Kaloum. L’idée est de dégager et surveiller ». Selon lui, l’opération s’élargira dans le reste des communes de Conakry. « Nous agissons conformément aux règles de l’urbanisme, afin de rendre propre la commune de Kaloum. Avant le déguerpissement, des équipes de sensibilisation sont passées, tout le monde a été informé », conclut-il.

Yaya Doumbouya