La Guinée a du mal à se débarrasser de ses vieilles habitudes. Notamment la recherche de l’ennemi réel ou imaginaire, en la personne de Claude Pivi alias Coplan. L’évasion de certains détenus de la maison centrale le 4 novembre a justement apporté de l’eau au moulin de ceux qui cherchent partout cet ennemi. Monsieur tout le monde est l’autre victime collatérale de ce feuilleton digne d’un film de fiction.

Cette évasion spectaculaire a été mise à profit par les autorités pour restreindre la liberté des citoyens. A travers notamment le rétablissement de beaucoup de barrages routiers. De quatre coins du pays, ces barrages sont rétablis au grand dam des voyageurs. La mesure concerne tout d’abord Conakry et ses environs. Aussi bien vers Forécariah, vers Boké que vers Kindia, toutes les sorties de la capitale sont quadrillées. En direction de Kindia, il y a un barrage dans la ville de Coyah. Plus loin, un autre se trouve juste après le pont Kaka. A ces deux, s’ajoute bien sûr celui de Kouriah, toujours sur la nationale Conakry-Kindia. C’est l’héritier du tristement célèbre barrage du KM 36.

Selon des informations recueillies auprès des voyageurs en provenance de l’intérieur du pays, les mêmes mesures prises dans le Grand Conakry ont été mises en place à l’intérieur du pays. De Koundara à Siguiri, à l’entrée de chaque chef-lieu de préfecture, il y a un barrage. Généralement, ce sont des gendarmes qui sont postés sur ces barrages. Un voyageur indique qu’il y a toujours deux agents qui procèdent au contrôle des véhicules. L’un arme en main, l’autre lorgne dans le véhicule pour identifier les passagers. En outre, ils procèdent à la fouille systématique des véhicules jusqu’aux coffres.

Paradoxalement, cette présence massive des Forces de l’ordre sème la panique. A Coyah, une femme estime que les agents extorquent de l’argent aux citoyens. D’autres se livreraient même à des actes de violence contre les paisibles citoyens. A Kouriah, un agent, visiblement très nerveux, martèle que tout chauffeur qui n’obtempère pas devra payer 50 000 francs guinéens.

D’autres sources indiquent que dans la région de la Moyenne-Guinée et en Guinée-forestière, il y a un allègement de ces barrages. Selon ces sources, les barrages que l’on voit ici et là concernent aussi le recouvrement des vignettes. Toujours est-il que certains agents font un amalgame entre les deux situations : la recherche de Claude Pivi et la réclamation de vignettes.

Dans tous les cas, les autorités doivent veiller à ce que des agents indélicats ne profitent pas de cette situation pour se livrer à des actes peu recommandables. Pour le moment, à voir la façon dont ces agents traitent les usagers de la route, on a l’impression que la situation les arrange plutôt.

Comme dirait l’autre, en Guinée, tant qu’on ne parle pas de complot tout le monde est tranquille. Hier comme aujourd’hui, le complot permanent constitue une vache laitière pour certains et un cauchemar pour d’autres. Les premiers bondissent sur les seconds comme dans un duel entre le chat et la souris.

Habib Yembering Diallo