Depuis le 13 novembre 2023, ont commencé à défiler à la barre du Tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’Appel de Kaloum, toutes celles et tous ceux qui ont vu, entendu, ouïe dire un petit bout de chose en relation avec le tragique événement du 28 septembre 2009, à Conakry. Comme leur nombre, sans être pléthorique, est quand même à la hauteur du désastre, on est bien parti pour une interminable litanie de récriminations et de flagorneries. Le P’tit Bout, ancien ministre et éminence grise des Grosses Huiles du CNDD et de son gouvernement, a ouvert le carnaval. En raison de quelle préséance ? On reste dubitatif.

D’entrée de jeu, l’ancien ministre secrétaire général de la présidence de la République du Général Président Sékouba Konaté, a mis le pied dans le plat et n’a pas fait dans la dentelle. Courageusement, il a dit crûment sa vérité, particulièrement à propos de la personnalité et du caractère du Président de la Transition, à l’époque, le Capitaine Moussa Dadis Camara. Qui, à ses yeux, ne trouve que grâce et compliments. Il a répondu aux magistrats et aux avocats qu’El Dadis ne s’était pas rendu au Stade du 28 septembre le jour du massacre et qu’il n’avait, non plus, instruit personne d’y aller. « Dadis est une personne qui n’aime pas les histoires », a-t-il assené. Tout le long de ses deux jours d’audition, le P’tit Bout dont on apprécie ou déteste le franc-parler décliné dans une verve parfois assassine, s’est attelé à blanchir celui qui l’avait ramené au gouvernement. Il faut avoir la reconnaissance du ventre. Quand même ! L’ingratitude se paie parfois cher.

A l’ancien ministre, va succéder un autre ex : le Général Oumar Sanoh qui gérait la Grande Muette lors de la tragédie. L’étoilé était particulièrement attendu sur la question des camions militaires, promenant des corps dont ils auraient été chargés au stade du 28 septembre après le carnage. Selon sa propre narration, le haut gradé était à son bureau, au camp Samory, lorsque les quatre camions convoyant les cadavres y sont arrivés et y ont stationné un moment. Toutefois, il n’a pas quitté son bureau et n’a donc pu voir les camions et leur contenu. C’est plus tard, dit-il, qu’il apprendra qu’il y avait 155 corps dans les véhicules.  

A propos de l’attitude du Capitaine El Dadis, les propos du chef d’état-major corroborent ceux de son prédécesseur à la barre. Lorsque nous sommes arrivés au bureau du Président au Camp Alpha Yaya, il était furieux contre le salon et ceux qui étaient là. Il disait que les militaires guinéens l’ont trahi en l’empêchant de sortir, car il tenait à aller au stade pour calmer la foule. S’agissant de la consignation de l’ensemble des troupes dans les casernes, ce jour fatidique, le Général Sanoh est catégorique. “”Aucun soldat n’a fait montre de désobéissance. Tout le monde est demeuré caserné. Seuls les gendarmes et les policiers, coutumiers des techniques et pratiques du maintien d’ordre, ont été assujettis à cette obligation et échappent à cette contrainte de casernement.”

Voilà déjà quatorze mois que se déroule ce procès. Si le procès de Nuremberg a eu le retentissement historique que l’on sait, celui qui nous préoccupe mérite qu’on y prête attention pour servir de leçon dans notre microcosme. Or, après l’audition des accusés, des victimes et maintenant des témoins, la manifestation de la vérité pose encore problème. Qui donc a tué, blessé et violé des dizaines de militants et militantes des forces vives, le 28 septembre 2009 au stade éponyme ?

Abraham Kayoko Doré