Sous d’autres cieux, prendre la route est un plaisir. Dans le pays du colonel-colosse, c’est une épreuve. Un véritable calvaire consécutif à plusieurs facteurs. Dans un contexte politico-paranoïaque, avec en toile de fond la cavale d’un officier redouté et redoutable, les agents de sécurité en font voir aux voyageurs de toutes les couleurs et couleuvres. Les barrages routiers, à l’enjeu plus financier que sécuritaire, ont refait surface.

Entre Conakry et Kindia, il y a cinq barrages. Du moins pendant la journée. Selon certaines informations, une fois la nuit tombée, il y a d’autres. Reconnus ou érigés clandestinement. Ces barrages auraient été remis sur place pour traquer le fugitif. Mais ils servent plus à arrondir les fins des mois qu’à retrouver l’homme le plus recherché du pays. Et pour cause, pendant que les transporteurs sont soumis à une fouille systématique, les grosses cylindrées, elles, ne font l’objet d’aucun contrôle. Alors que si un fugitif est plus enclin à prendre un véhicule banalisé, rien n’indique qu’il ne peut pas se trouver dans une grosse et belle voiture.

Dans tous les cas, les événements du 4 novembre ont apporté de l’eau au moulin de ceux qui, la mort dans l’âme, avaient obtempéré aux injonctions du ministère de la Sécurité qui avait exigé le démentèlement de tous les barrages routiers. A l’exception de l’héritier du fameux et tristement célèbre barrage du KM 36 : le barrage de Kouria, dans la préfecture de Coyah.

Nostalgiques, les usagers de la route avant cette date du 4 novembre, voyaient les agents postés tout le long, les traiter avec une relative dignité. Les habitudes ont la vie dure, les usagers de la route ont renoué avec leur habitude : le barrage de Kaaka, et comme à la frontière, de présenter leur pièce d’identité ou à défaut, d’abouler : dix mille francs glissants.

Quand on sait que la hiérarchie ne crache pas sur cette manne financière, on comprend aisément pourquoi les barrages routiers ont de beaux jours devant eux. Le moins que l’on puisse dire est qu’entre l’engagement du nouveau ministre de la Sécurité de faire de la Guinée un pays comme les autres et la réalité sur le terrain, il y a comme entre l’Orient de l’Occident. L’homme finit toujours par capituler devant le système.

A toutes ces tracasseries, s’ajoute l’état de la route. Conakry-Mamou, ça roule. En revanche, de Mamou à Labé, vous alternez goudron et piste. Par endroits, il n’existe plus aucune trace du goudron. La boue a fait place à la poussière. Les voyageurs semblent sortis d’une termitière.

Mali-Koubia-Lélouma-Tougué, Mamou-Labé est ce que la fumée est au feu. Pour les 70 Km qui séparent Labé de Yembering, il a fallu 4h de route. Soit 17,5 km/h. C’est tout dire. Après la prise du pouvoir par le CNRD, le 5 septembre 2021, les nouvelles autorités s’étaient empressées de reprofiler la piste. Soulagés alors, les voyageurs aujourd’hui se rendent compte que cette solution n’était que de la poussière aux yeux.

Le projet de bitumage de la route Labé-Mali, annoncé dans la foulée du 5 septembre 2021 n’est plus d’actualité. Pas plus que le projet de bitumage de la commune urbaine. Du coup, la situation de Mali et des trois autres préfectures, est quasiment la même depuis l’indépendance. Chaque nouveau pouvoir promet monts et merveilles. Mais ces promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Habib Yembering Diallo