La Guinée continue sa marche de l’écrivisse. Cela fait quelque deux ans qu’a chuté celui que les nouvelles autorités accusent de tous les péchés d’Israël. Aujourd’hui pas mal de Guinéens disent ouvertement regretter le départ d’Alpha Grimpeur. Parce que, depuis 33 ans que le Guinée est engagé dans la démocratisation, les droits du citoyen n’ont été si malmenés.

Depuis une semaine, c’est silence radio à FIM FM. Les ondes de cette station sont brouillées comme à l’époque où l’Union soviétique et le bloc de l’Est procédaient à une pratique similaire pour empêcher les citoyens de leurs pays d’écouter la voix de l’Amérique, la BBC et la Deutsche Welle. Même si personne ne revendique officiellement cette ignominie, il n’est un secret pour personne que cela n’arrive pas tout seul. Il y a forcément une main derrière.

Le gouvernement a beau clamer et proclamer qu’il n’est pour rien dans cette affaire, tout comme sur la restriction des réseaux sociaux ou l’accès à certains sites Internet qui ont défrayé la chronique ces derniers temps, même Toto demeure incrédule. D’autant plus que les radios concernées sont celles qui sont connues pour la liberté de ton. Si c’était la nature qui s’était fâchée avec les radios, celles qui ne jurent que par le CNRD devaient, elles aussi, subir les aléas de la nature. Dans tous les cas, cet argument ne peut convaincre que les esprits CNRD.

Et comme si ce brouillage sans précédent ne suffisait pas, le porte-voix du goubernement a son coupable, en tout cas en ce qui concerne la restriction des réseaux sociaux : encore et toujours le fameux câble sous-marin. Lequel serait souvent perturbé. Pince sans rire, le ministre jette un pavé dans la mare, déclarant qu’Internet n’est pas un droit. Ce qui continue à susciter une véritable levée de boucliers sur la toile. Pour la première fois, le très controversé porte-parole du gouvernement se fait crucifier par tout le monde. Jusqu’ici, seuls les militants de son ancien parti et une partie de la presse le prenaient à partie, désormais il fait l’unanimité contre lui.

Mais comment un homme politique, qui nourrit l’espoir d’être un jour à la tête de son pays, peut-il se mettre tout le monde à dos ? Pour les irrationalistes, à l’instar des cadres de l’UFDG qui ont quitté le navire, l’ancien député uninominal de Gaoual est frappé d’une malédiction de son ancien patron. Loin de là, ce ministre est parfaitement conscient de ce qu’il fait. Comme partout, un gouvernement doit avoir, en son sein, plusieurs types de personnalités. Il y a ceux qui doivent se limiter à leur travail, les technocrates généralement sans histoires. Et il y a les durs du régime qui alternent le chaud et le froid. Pour jauger la réaction populaire. Ousmane Gawa Diallo est de cette espèce de politicien.

A sa prise du pouvoir, le CNRD savait qu’il trouverait difficilement un homme mieux placé que le bagnard de l’ancien président pour jouer le rôle de trouble-fête. Surnommé le téméraire, parce qu’il n’a pas froid aux yeux, Ousmane Gawa Diallo devait être le parfait ministre polémiste qui n’hésiterait pas à assumer la décision gouvernementale la plus impopulaire. Des observateurs estiment que s’il a commencé par le département de l’Urbanisme et de l’Habitat, ce n’était pas anodin. Il devait cautionner la démolition de la maison de son ancien mentor. Et, même si personne ne peut prouver que ce choix était stratégiquement lié à cette démolition de la maison du nouvel exilé, le ministre n’a exprimé le moindre remords.

Oussou Gawa joue donc le rôle qui est le sien. Celui qui est attendu par son nouveau patron.  Il doit faire partie de l’aile dure du régime. Même si tout le monde est censé être dur dans un régime militaire, il y a les durs des durs. Oussou Gawa en fait partie. En quelque sorte, il doit son maintien au gouvernement à ce rôle. Le scénario est simple : il manie le bâton et son patron vient derrière avec la carotte. Il est inimaginable que le ministre prenne une décision solitaire, surtout une décision aussi impopulaire que celle de restreindre l’accès à Internet ou de brouiller les ondes d’une station de radio. Mais c’est le bouclier du gouvernement. C’est le monsieur qui a assumé ce que le colonel-colosse nomme « le sale boulot ».

Ce n’est pas à n’importe de jouer un tel rôle. C’est signer son arrêt de mort politique. C’est un choix difficile à prendre. Il s’agit de préférer le court terme au long terme. Les régimes les plus démocratiques ont leurs ministres qui choisissent le camp des durs. A l’inverse, des régimes sanguinaires ont leurs membres connus et reconnus pour leur modération.

Après avoir été déclaré ennemi de la presse en début d’année, après les incidents intervenus aux Etats-Unis en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, Ousmane Gawa n’avait pas besoin de la bourde « internet n’est pas un droit ». Car dans les deux premiers cas, il faisait face à une partie de la Guinée. Désormais, il est aux prises avec toute la Guinée. Malgré la tentative désespérée de quelques soutiens intéressés, c’est inédit dans le pays, tout le monde désapprouve les propos d’un ministre de la République.

Habib Yembering Diallo