Une semaine après l’explosion du dépôt d’hydrocarbures à Kaloum, la crise de carburant bat son plein. La population fait face à d’énormes difficultés de déplacement, notamment par la rareté des moyens de transports en commun : taxis, tricycles et taxis-moto, l’augmentation des frais de transport. Par-dessus tout, obtenir de l’essence dans les stations-services relève d’un vrai parcours de combattant. Reportage.

Le gouvernement a autorisé la vente de l’essence dans les stations-services le 23 décembre. Depuis, les embouteillages au niveau des carrefours et ronds-points ont cédé la place aux gigantesques files d’attente, le long des routes où sont érigées les essenceries. Alors qu’une partie est toujours fermée soit, pour des raisons de sécurité, soit parce qu’elle est à sec.

Dimanche 24 décembre, nous avons fait le tour de quelques stations-services à Conakry. La consigne est claire. Cinq litres pour les motos, 25 pour les voitures, interdiction formelle de servir dans les bidons. Malgré tout, les stations-services sont inondées par les détenteurs d’engins, surtout ceux qui veulent s’approvisionner en essence. À Kobayah, les files d’attente pouvaient atteindre jusqu’à 1km par endroit. À défaut d’agents de sécurité, des jeunes se sont occupés du maintien d’ordre ainsi que de l’ordre d’arrivée.

Ibrahima Sory Diawara est gérant d’un bar. Il est sur le point d’être servi, après 4h d’attente et trois stations visitées. Il raconte son calvaire : « Cela fait pratiquement trois jours que je ne passe pas la nuit entière chez moi. Je passe mon temps à faire le tour des stations-services. La souffrance est énorme, il faut que le gouvernement se hâte de régler cette situation. Mon travail est pratiquement à l’arrêt, je n’arrive pas à me déplacer faute de carburant et les clients ne viennent pas. Pendant toute la semaine, j’attends d’être ravitaillé en boisson, mais le camion n’arrive toujours pas ». À la pompe, il ne pourra pas avoir plus de 5L. Il se voit obligé de limiter ses déplacements au strict minimum.

Dans le marché noir, le prix est d’or

Dans le marché noir, le prix de l’essence se négocie entre 15 et 25 000 francs guinéens. Pour Ibrahima Sory, si les stations continuent d’être envahies de la sorte, c’est la faute aux gens « mal intentionnés qui remplissent leurs réservoirs, pour revendre l’essence au marché noir à un prix très élevé ». Le gouvernement dit avoir négocié avec les pays voisins pour ravitailler la Guinée en carburant. Il est pessimiste et pense que le gouvernement doit explorer d’autres pistes de solution pour pallier cette crise.

À la station-service Shell de Kobayah sur la corniche Kobayah-Foula-Madina, des dispositions ont été prises pour éviter tout débordement. Pas de traces d’agents des forces de défense et de sécurité, mais la station tourne à plein régime. Une prouesse qu’Abdourahmane Diallo, exploitant de la station, justifie par la prise de conscience des clients : «C’est la population qui souffre, ce sont les jeunes mêmes qui se chargent de sécuriser la zone et de maintenir l’ordre, pour donner la chance à tout le monde d’être servi ». Abdourahmane dit avoir un stock suffisant, pour fournir aux clients au moins pendant deux jours. «Nous pouvons servir au moins 10 000 litres, mais si nous ne sommes pas ravitaillés dans les 48h, nous allons tomber en pénurie. Selon les informations, Vivo-energy a des citernes dans le convoi qui vient de la Sierra Leone. Il se pourrait que nous soyons ravitaillés», déclare Abdourahmane. À son tour, il s’interroge sur les capacités de la Sierra Leone à ravitailler la Guinée en carburant, mais il invite la population à la discipline et promet de servir « sans favoritisme », jusqu’à l’épuisement de son stock.

Abdoulaye Bah