L’administrateur général du site d’informations le Djély est convoqué ce lundi à la Direction centrale de la police judiciaire, pour « des fins d’enquêtes ». Si Bouba Sanso Barry dit ignorer les motifs de sa convocation, celle-ci intervient après la publication par le média en ligne d’un article relatif à la cyberattaque contre le portail d’internet de l’aéro-hangar de Cona-cris.

En Guinée, les journalistes tendent à devenir une espèce en voie de disparition. Alors que l’on n’est pas sorti de l’épidémie de brouillages de médias privés, de restrictions de l’internet et que le syndicaliste de la presse, Sékou Jamal Pendessa, croupit dans les geôles du CNRD, Bouba Sanso Barry sera-t-il contraint de laisser ses plumes sur le chemin guinéen de la liberté d’informer plus que jamais parsemé d’embûches ? Le célèbre éditorialiste en fauteuil roulant n’avait jusque-là que ses mains et sa tête, pour dépeindre les tares de notre bled. Sous sa plume, des analyses pertinentes reprises par les grands médias du monde dont RFI, plaisantes à lire…sauf pour ceux qui ont quelque chose sur la conscience.

Le scribouillard s’est en effet retrouvé dans le viseur de la flicaille. La DCPJ (Direction centrale de la police judiciaire) lui a notifié le 15 février une mystérieuse convocation pour « des fins d’enquêtes. » Le con()frère était invité à se présenter dans ses locaux, à Kaloum, le lendemain. Mais son avocat (sans vinaigrette), pris au dépourvu, a sollicité et obtenu à ce que son client se présente lundi 19 février.

Selon nos informations, la convocation avait été préalablement déposée à la Haute autorité des cancans, à charge pour l’organe de régulation de la transmettre à son destinataire. La HAC a eu l’audace de rappeler que cela ne fait pas partie de ses attributions. Après avoir ordonné le retrait des radios et télévisions Espace, Evasion et Djoma du bouquet Canal plus, espérons qu’elle continue de ne plus s’écarter de sa mission régalienne.

De Anonymous à animosité ?

Mais que reproche-t-on à Sanso ? Ni lui ni son avocat n’en savait rien, avant son audition. Mais les jours qui ont précédé la convocation, l’administrateur général du média en ligne, le Djély, a été interpellé sur un article relatif à l’attaque par des hackeurs du site internet de l’aéroport Ahmed Sékou Tyran. « Urgent : le portail internet de l’aéroport de Conakry, cible d’une cyber-attaque », ainsi s’intitulait le bout de papier factuel consulté par notre rédaction. « Vous l’avez certainement remarqué. Depuis ce jeudi matin, le portail internet de l’aéroport de Conakry est inaccessible.  Eh bien, il ne s’agit ni d’un bug, ni d’une panne habituelle. Mais le site a été attaqué par le groupe Anonymous, qui explique son action par le blocage qu’internet et plus globalement la liberté d’expression subissent en Guinée depuis quelques semaines », y lit-on. « Plus tôt dans la matinée, alertée par une source, notre rédaction a cherché en vain à entrer en contact avec les responsables de la SOGEAC, poursuit le papelard inoffensif. Puis, c’est un travailleur qui nous souffle discrètement : « Oui, c’est vrai. Ils ont pris le contrôle du site. Mais on nous demande de ne pas en parler ». Il s’empresse aussitôt d’interrompre l’appel ».

Il n’en fallait pas plus pour que le dirlo général de l’ANSSI (Agence nationale de sécurité des systèmes d’informations) soupçonne le journaleux Bouba Sanso Barry de complicité avec les hackeurs. Nonobstant le fait que le groupe, qui se fait appeler Anonymous, ait publié un message de revendication repris dans l’article dérangeant. Il reste que d’autres médias ont relayé cet incident qui a momentanément pris le contrôle du portail d’internet de l’aéro-hangar de Cona-cris. Même en temps de guerre, le « djély » (griot dans les langues nationales) était jusque-là épargné. 

Diawo Labboyah