Comme les grosses huiles étoilées de la transition n’ont pas daigné apporter au populo la moindre justification de la dissolution, sans aménité, du gouvernement, chacun y va de ses conjectures pour assouvir son envie de savoir, de comprendre. Ce manque de clarification épaissit les ténèbres qui enveloppent cet acte soudain et inédit. Le silence, tout en valant son pesant d’or, ouvre de larges brèches aux spéculations et autres supputations susceptibles de distraire les acteurs de la transition et de reculer l’atteinte de leurs principaux objectifs sociaux, économiques et politiques.

Les attentes fortes et variées  des populations fortunées ou désargentées requièrent des timoniers de la transition perspicacité, inclusivité et abnégation, dans la collaboration en vue de l’atteinte des résultats attendus et des objectifs visés. L’impératif de résultats est incompatible avec les évènements pareils à celui que les Guinéens ont vécus dans la soirée du 19 février 2024. Face à l’absence de déclaration liminaire, la solennité affichée et les mesures conservatoires inhabituelles lors de la dissolution d’un gouvernement, le populo, voire moult observateurs étrangers avisés dont les partenaires au développement, demeurent perplexes. La dissolution du gouvernement était-elle vraiment une nécessité ? La question mérite d’être posée d’autant que cet épisode de la transition ne manquera pas d’avoir un sérieux impact sur la qualité et l’effectivité de l’exécution du chronogramme.

L’une des tares gravissimes de l’administration publique guinéenne est l’absence récurrente de respect de la hiérarchie. Le Général Lassana Conté l’avait souvent déplorée et dénoncée, sans toutefois parvenir à y apporter la solution idoine. On se souvient des conflits larvés ou ouverts entre Ministres et Secrétaires généraux, qui ont, par moments, entraîné un dysfonctionnement partiel des services du département. On a même vu une cheffe de Cabinet administrer à son bonhomme de Ministre, en présence des autres cadres consternés, une magistrale claque. Durant des mois, deux ministres cohabitant dans le même bureau se sont toisés, jaugés et entraînés dans leurs sautes d’humeur le personnel de leurs départements.

La défiance des subordonnés à l’endroit de leurs supérieurs dans l’administration publique guinéenne est bien connue, et ses ravages, bien identifiés. Très tôt, cette tare atavique est apparue au grand jour dans le gouvernement Goumou, elle a perduré en dépit de multiples tentatives de la résorber. Elle a fini par miner et fragiliser ce gouvernement au moment même où de nombreuses contraintes assaillent le pays de toutes parts. On peut donc s’interroger sur l’opportunité de la dissolution du gouvernement dont la nation était en droit d’attendre des initiatives salvatrices, pour implémenter le PRI et assurer l’aboutissement heureux de la transition.

A. Soumaoro