Vous l’aurez remarqué, notre Général- Président …de la Transition, Son Excellence Mamadi Doumbouya, a respecté la tradition comme ses prédécesseurs, il se tape des idoles. Sékou Touré en avait à revendre : Nasser, Nyerere, Gandhi, Nehru, Tito, Mohammed V, Martin Luther King, Carl Michaël… Notre autodidacte de président semblait insatiable.  Victime de la sobriété verbale, Fory Coco a dû se tourner discrètement vers le Maroc, marchant sur des œufs. Alpha a osé grimper très haut pour retomber sur des antivaleurs. Espérons que le choix de Mamadi Doumbouya ne relève pas de la Kagamerde !

Le plus obtus des observateurs ne sera pas surpris de voir des Guinéens étourdis chercher les points communs, ou divergents, entre leur président et celui du Rwanda. Ils savent pour sûr que Mamadi Doumbouya adore les infrastructures, les routes bitumées, même étroites, les ponts, les échangeurs. A peine achevé, celui de Kagbélen porte déjà le nom de Paul Kagamé.  Peut-être que Banna Sidibé, le président-fondateur de l’urbanisation de Conakry, aura assez de patience et vue de nez d’abnégation pour voir son nom en lettres d’or sur un édifice public. Mais il faudra bien expliquer un jour les racines profondes de notre tropisme rwandais ! Strictement parlant, il n’y a rien au village, comme diraient les Y-voient-rien. En tout cas, pas pour les non-initiés. Au contraire, la similitude entre les deux présidents marque également leur différence.

Notre patron et son idole sont des fins connaisseurs d’armes et de munitions. Kagamé est sorti du maquis, après l’Université ; Doumbouya a fait ses armes à la Légion étrangère, puis autour des palais et autres structures censées combattre les maquisards, même de la taille de Paul Kagamé. A vue de nez, la question ethnique devrait les unir. En fait, elle constitue leur plus grand commun diviseur. Kagamé est Kagamé pour avoir fait du Rwanda un pays plus que prospère, « la Suisse de l’Afrique. » A l’origine, la contrée n’était qu’ethnique, divisée entre Hutus et Tutsis. Ceux-là majoritaires, persécuteurs, génocidaires ; ceux-ci minoritaires, persécutés, pourchassés, humiliés, exécutés le plus sommairement du monde. Pour couronner le tout, chacun d’eux a connu son Idi Amine : Mamadi a fait du sien un ami ; Kagamé a combattu l’autre, aux côtés de son ami, Yoweri Museveni.

Bref, voici comment Kagamé est généralement perçu : « Paul Kagame est Président du Rwanda depuis 2000. Dès 1990, en tant que commandant des forces du Front patriotique rwandais, il met fin au génocide contre les Tutsis en 1994. Son administration est marquée par la paix et la réconciliation, l’autonomisation des femmes, la promotion de l’investissement et de l’entrepreneuriat ainsi que l’accès aux technologies de l’information. »

Doumbouya, lui, a la chance d’être de l’ethnie de la majorité politique, et la malchance de se voir condamné, ensemble avec ses compatriotes, sans exception, dans un sous-développement durable et ahurissant. Il peut bomber le torse : il n’y a pas eu de génocide en Guinée. Mais il doit baisser la tête à cause de sa fâcheuse tendance à partager, sans gloire, avec le Président rwandais : « Dans cette “Suisse de l’Afrique”, il n’y a pas de presse libre, et Internet est sous surveillance. Aucune opposition n’est tolérée. » C’est tout ce qui nous empêche de pavoiser.

Diallo Souleymane