Le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry avec la comparution des témoins. Mercredi 14 février, Mamadou Chérif Barry, mécanicien, a témoigné devant la barre. En réalité, victime, il a expliqué comment son fils adoptif, Thierno Mamadou Barry, 17 ans, a été tué par des militaires le 28 septembre 2009.

Selon lui, ce jour-là, vers 13h, il a envoyé Thierno Mamadou à la maison, pour chercher leur repas. Sur le chemin du retour, il a rencontré des militaires portant des cauris autour de leurs têtes qui lui ont tiré dessus. Mamadou Chérif Barry dit que les voisins qui avaient suivi la scène lui ont rapporté que les militaires qui ont tué son enfant, « avaient mangé le repas et ont tiré à l’intérieur du bol ». C’était une scène horrible, explique le témoin. « Les gens nous ont dit que des militaires ont tiré sur un enfant, allons voir. Je ne savais pas encore que c’était mon enfant. Nous y sommes allés. A ma grande surprise,  j’ai trouvé que c’était mon enfant. Il y avait huit balles dans son corps. Je suis sorti au bord de la route, quelques temps après, j’ai vu un véhicule de la Croix-Rouge. Je leur ai dit qu’il y avait un mort dans le quartier. Les agents de la Croix-Rouge m’ont aidé à transporter le corps dans le véhicule, nous avons pris la route pour l’hôpital Donka. Arrivés au quartier Commandayah, un groupe de militaires nous a interceptés. Un militaire a demandé de garer, comme le chauffeur a retardé de garer, le militaire a tiré sur le pneu. Les militaires sont venus vers nous. Entre temps, le chauffeur de la Croix-Rouge m’a donné un gilet de la Croix-Rouge que j’ai porté. Ils nous ont demandés où nous partions, l’agent de la Croix-Rouge a répondu qu’il déposait un corps à l’hôpital Donka. Ils ont demandé qui j’étais. L’agent leur a répondu que le corps m’appartenait. Ils nous ont laissé continuer, ils sont partis.  Nous avons changé le pneu, nous sommes allés à la morgue de l’hôpital Donka… »

Mamadou Chérif indique qu’en déposant le corps de son fils, ils ont trouvé beaucoup de corps à la morgue. Les corps étaient si nombreux qu’ils étaient superposés. Le témoin affirme que c’est en ce moment que des camions militaires sont arrivés à la morgue. Que de nombreux corps ont été embarqués à bord de ces camions, pour une destination inconnue. Il dit que c’est là qu’il a vu le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ancien ministre de la Santé, pendant que les militaires embarquaient les corps. C’est dans ces conditions qu’il a laissé le corps de son fils, il est rentré. 

Le jour de la restitution des corps, le vendredi 2 octobre 2009, malheureusement, il n’a pas retrouvé le corps de son fils Thierno Mamadou Barry et jusqu’à présent. Cela l’a mis « dans un état incontrôlé, un traumatisme sans égal dans sa vie durant trois jours. Ce qui m’a calmé,  c’est un voisin et sa femme qui avaient été arrêtés et conduits au camp Alpha Yaya où ils ont subi des tortures inouïes. Quand mon voisin est sorti de cette situation grâce à une dame, il m’a dit de ne pas me faire trop de soucis. Les tortures que lui et sa femme ont subi, ils vont mourir très bientôt, de me calmer.  En bon croyant, je me suis dit que leur cas est plus grave. Effectivement, trois mois après, mon voisin et sa femme sont décédés. »

Fin de l’audience des témoins de la partie civile

Après les questions des avocats des deux parties et les procureurs, le président du tribunal Ibrahima Sory 2 Tounkara, a annoncé la fin des témoignages, sur la liste de la partie civile. Il a demandé aux avocats de la défense de préparer leurs témoins qui devront comparaître la semaine prochaine. D’ores et déjà,  les avocats de la défense du colonel Moussa Tiegboro Camara,  Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba, disent qu’ils n’ont pas de liste à déposer. Bref, la défense des autres accusés n’a pas de témoins à citer.  

Maître Salifou Béavogui, avocat d’Ibrahima Kalonzo Camara, a demandé à ce que le tribunal lui permette de faire comparaître le colonel Tamba Gabriel Diawara, comme témoin. Ce qui a été acté par le tribunal. 

Ibn Adama