Lundi 18 mars, Général Mamadi Doumbouya, le patron de la Transition, a ajouté un geste symbolique à ceux, rares et chers qu’après son arrivée au pouvoir le 5 septembre 2021, il a posé pour l’habilitation de l’histoire de la Guinée. Oui, c’est bien une habilitation ! Aucun de ses prédécesseurs ne l’a fait depuis l’accession du pays à l’indépendance. Sûr qu’en la matière, un maigre rituel s’est institué : à l’occasion de la commémoration du 2 Octobre, le chef de l’État en exercice dépose une gerbe de fleurs à la Place des Martyrs, non loin de son domicile de Kaloum. Le consensus s’arrête là, au lieu, non au concept. Chez nous, les martyrs des uns sont les bourreaux des autres.

 Le 18 mars, à la « Cité Ministérielle » rénovée de Donka, Général Doumbouya nous a brutalement placés, le visage découvert, devant notre Histoire jusque-là très réticente au face à face, au nez à nez, au carnet de notes des acteurs. Elle a dû regarder par deux fois quand, le 27 septembre 2021, elle a vu le colonel de l’époque, lentement s’avancer et exécuter un impeccable garde-à-vous devant les tombes des martyrs de l’Opposition, au cimetière de Bambéto. Le geste en direction de l’histoire du pays se raffermira par la visite du CNRD, le 1er novembre 2021, de la tombe du soldat bien connu : Kaman Diaby, « né le 27 mars 1929, fusillé le 27 mars 1969. » La reconnaissance posthume ira encore plus loin grâce à la visite des autorités de la Transition aux tombes d’autres célébrités de taille :  Fodéba Keita, Barry Diawadou, Karim Fofana… Les randonnées aux demeures éternelles des feus les prédécesseurs du Général Doumbouya, respectivement à Donka et à Bouramaya,  clôturera la première série des célébrations.

Le mouvement ne reprendra que le 18 mars passé quand, à la surprise générale, les Guinéens découvrent, presque pêle-mêle, au fronton des nouvelles villas ministérielles  de Donka, des noms qui ont marqué à coup sûr l’histoire de ce pays :  le docteur Banna Sidibé, Hadja Rabiatou  Serah Diallo, Mbalia Camara, Lansana Béavogui, Saifoulaye Diallo, Hadja Aissatou Mafory Bangoura, Jeanne Martin Cissé, Camara Laye, Sory Kandia Kouyaté, Aboubacar Demba Camara, Telly Diallo, Djibril Tamsir Niane, El Hadj Aboubacar Somparé, N’Famara Keita, Yacine Diallo, Damantang Camara, Moussa Sanguiana Camara, Mamadi Sagno, Lamine Sidimé, Kéléfa Sall, Jeanne Macauley… Les communicants du Palais de préciser : « Chaque bâtiment de cette Cité porte le nom d’une figure guinéenne, rendant ainsi hommage à ceux qui ont contribué à l’histoire et à la Patrie. »

Tout y est, mais pas tout ne le monde. Yacine Diallo, le premier représentant du pays à l’Assemblée nationale française, surgit pour la première fois dans l’histoire de la Guinée indépendante. Notre jeunesse pourrait le prendre pour un footballeur ou un musicien. Son compagnon au Palais Bourbon, Mamba Sano, est mort le 4 juillet 1985 à Kissidougou, sa ville natale, dans l’anonymat le plus honteux. De grands noms, de grands absents. Ce n’est peut-être pas grave, « la Cité ministérielle » n’ayant pas dit son dernier mot.

Cependant, l’Histoire abhorre les raccourcis abrupts. Riches de leurs diversités, les Guinéens n’ont de choix que celui de se donner la main pour que les demeures soient convenablement affectées aux ministres. Au risque pour ceux-ci d’occuper une villa dont le nom est synonyme de cauchemars. En attendant un mausolée digne de nom.

Diallo Souleymane